Le neuvième numéro de Sombre est disponible
L'auteur répond à nos questions perfides...
Sombre, le jeu de la peur comme au cinéma, sort son neuvième numéro. Au coeur de ce nouveau volume, plusieurs choses : un nouveau système de règle (Sombre Max), un scénario tiré du Mythe de Cthulhu ainsi qu'une variante pour jouer des personnages badass. Tout un programme ! Et comme d'habitude, on a été trouver Johan Scipion, l'auteur du jeu, pour en savoir un peu plus.
SFU : Du Cthulhu dans Sombre ? Alors comme ça tu lances à ton tour ta propre version de L'Appel de Cthulhu ?
Johan Scipion : C'est exactement ça ! Plus précisément, je publie un scénario qui adapte, de manière assez libre, Le récit de l'inspecteur Legrasse, second chapitre de L'Appel de Cthulhu, célébrissime nouvelle de H.P. Lovecraft. Les joueurs y incarnent Legrasse et ses hommes en mission dans un bayou proche de La Nouvelle-Orléans. Leur objectif, mettre fin aux activités criminelles d'un culte qu'ils croient vaudou. C'est en vérité une secte bien plus ancienne et infiniment plus dangereuse.
Ah mais attends, je viens de comprendre ! Tu ne parles pas de la nouvelle éponyme, mais du jeu de rôle. Olala, cette confusion quand même ! Que tu es taquin, Vincent. Petit coquinou, va. De ce point de vue, aucun rapport, sauf bien sûr le matériau source, ce fameux texte de HPL. Fan d'horreur lambda que je suis, je kiffe Lovecraft. En tant que game designer par contre, je n'ai aucune envie de refaire en moins bon ce que Sandy Petersen et ses continuateurs font très bien depuis bientôt quarante ans.
Quand je puise dans Mythe, ce n'est pas pour bricoler ma propre version de L'Appel de Cthulhu (le jeu de rôle). Cela n'aurait strictement aucun intérêt. Ce que je veux, c'est publier de temps à autre du Sombre lovecraftien parce que je trouve que c'est trippant. Je l'avais déjà fait dans le numéro 2 avec Extinction, un univers post-apo cthulien et marin. Je réitère dans le 9 avec un scénario qui dépote du shoggoth par barquettes de douze.
SFU : Classic, Zéro, Max, ça fait beaucoup de Sombretout ça. Était-ce vraiment nécessaire d'en rajouter ?
Johan Scipion : Arf, rien de ce qui fait Sombre n'est nécessaire. Je veux dire, c'est un jeu de rôle. Du divertissement culturel, une catégorie de produits qui arrive loiiin derrière les besoins fondamentaux. Manger est nécessaire. Dormir est nécessaire. S'abriter des intempéries, se laver, se soigner est nécessaire. Mais tu peux tourner le truc dans tous les sens, jouer une victime dans un film d'horreur imaginaire n'est que superflu. L'industrie culturelle, dont Sombreest un nano segment, est un pur luxe. Est-ce qu'on n'est pas privilégiés, toi et moi, de pouvoir en causer sur SFU ?
Ta question revient à se demander s'il est raisonnable d'ajouter le superflu au superflu ? Clairement pas, mais je vais te dire, tant qu'à vivre dans le luxe, autant s'y vautrer comme un gros goret. Donc ouais, Max est foutrement nécessaire car complètement dispensable. On peut déjà jouer des années avec ce que j'ai publié pour Classic, le Sombre de base, et Zéro, sa variante simplifiée, mais Max a cet intérêt d'avoir été spécifiquement designé et playtesté pour faire ce qu'aucun de mes deux précédents systèmes ne réussissait vraiment bien : des actioners horrifiques.
Bon sang, j'adore ce sous-genre ! Predator de John McTiernan et Terminator 2 de James Cameron, Vampires de John Carpenter, Dog Soldiers de Neil Marshall. Des putains de bons films, que je souffrais ne pas être capable d'émuler à ma table. Sombre est trop orienté horreur pure pour donner avec efficacité dans le gros boum boum. Il me fallait un autre système, dont les PJ seraient plus velus. Des victimes encore et toujours car Max reste un jeu d'horreur, mais badass. Du genre à se la raconter dans la jungle avec des gros flingues avant qu'un rasta de l'espace ne vienne leur défoncer la tronche. En clair, une autre manière de jouer à Sombre, complémentaire des précédentes.
SFU : Du Cthulhu et de l'action dans le même numéro, n'est-ce pas un peu mélanger les torchons et les serviettes ?
Johan Scipion : Et ben écoute, Lovecraft le fait. Je n'ai pas inventé le raid Legrasse, il m'a suffit d'ouvrir un bouquin de tonton Howie pour le lire. J'ai toujours beaucoup apprécié le versant polar/action de son œuvre. En bon pulp writer qu'il était, il a tripatouillé tous les genres de l'imaginaire. Mélanger les torchons et les serviettes, c'était carrément son truc. Or ce mix particulier policier + action + horreur me plait énormément. Je trouve qu'il s'y adonne avec bonheur. C'est pêchu, rythmé, efficace, immersif. Tout ce qu'on demande à un scénario Max. Je suis hyper content d'avoir trouvé le moyen d'adapter ce chapitre de L'Appel de Cthulhu (la nouvelle) à Sombre.C'est un fantasme d'ado devenu réalité.
SFU : Et sinon, je cherche à faire jouer un scénario Hellraiser / Clive Barker, tu me conseilles quel numéro ?
Johan Scipion : Je vais considérer que tu veux émuler le premier film. Bien que reprenant et étendant sa mythologie, le second est sensiblement différent. Et ceux d'après n'existent pas, je pense que nous en tomberons volontiers d'accord. Or donc, avec quels outils Sombre faire du Hellraiser, le pacte premier du nom ? Déjà, de quoi s'agit-il ? Fondamentalement, d'une histoire de maison hantée ripolinée body horror. Le film creuse la psychologie de ses protagonistes, victimes ordinaires de chez ordinaire, abuse des effets gore, et présente des scènes d'agression, de poursuite, de meurtre (en termes rôlistes, de combat).
Du coup, ma recommandation est de jouer en Classic avec le deck et le story deck. Classic est le système historique de Sombre, celui que j'ai publié dans mon premier numéro. Il est très adapté à ce type de film car pensé pour l'horreur pure, et gère aussi bien l'aspect physique (une jauge de Corps) que psychologique (une jauge d'Esprit). En complément, Sombre 1 inclut un deck de 72 cartes, organisé en 24 Personnalités de trois phases. Sur chacune de ces cartes, un guide de roleplay. Ces profils psychologiques évolutifs vous permettront, à tes joueurs et toi, de créer, faire vivre et évoluer le genre de famille dysfonctionnelle qu'on voit dans le film.
En support de ce deck, je te recommande vivement le story deck, une aide de jeu que j'ai publiée dans Sombre 7. Il s'agit d'une trentaine de cartes, qui ont pour fonction d'enrichir la création collective. L'objectif est de créer des groupes de PJ avec des secrets, comme c'est le cas dans Hellraiser. L'aide de jeu va plus loin encore car elle est articulée avec une mécanique qui incite très fortement les joueurs à révéler eux-mêmes ces secrets durant la partie. Cela pour produire du drama dark. Car le drama potentialise l'horreur. Quand je joue drama, je m'intéresse à mon personnage et m'y attache. Lorsqu'il lui arrive des trucs sales, cela me touche plus. Et il faut bien reconnaître que dans Hellraiser, y'a pas mal de trucs sales.
Pour ce qui est de l'aspect gore, il est laissé à ton entière discrétion. Sombre ne prescrit ni ne mécanise rien à ce niveau. Certains de mes scénarios le sont plus ou moins, mais rien dans les règles elles-mêmes n'incite ni ne contraint aux débordements d'hémoglobine. Il ne s'agit pas d'un oubli, tu t'en doutes. L'omission est intentionnelle. Cela te permet de doser finement tes descriptions en fonction de tes goûts et limites, de ceux de tes joueurs, et de tes besoins narratifs du moment. À toi les écorchés en gros plan, tout gluants de sang et de lymphe, ou les apparitions plus suggestives, corps torturés dans les recoins obscurs ou carrément hors champ, c'est-à-dire hors description. Tu es grand, tu gères.
Je te conseille donc Sombre 1 et 7. Le 2 et le 3 pourraient également t'être utiles parce qu'il s'y trouve de précieux conseils de maîtrise pour Classic. Dans le 2, un long article sur le briefing d'avant partie, essentiel à mes yeux pour qu'une séance longue se déroule au mieux, surtout avec un pitch aussi casse-gueule que celui d'Hellraiser. Dans le 3, un article encore plus long sur la bonne gestion des Traits, ces Avantages et Désavantages dont tes joueurs useront pour typer leur PJ.
De toi à moi, tu n'auras pas à chercher bien loin ton scénario barkerien. Il se peut que tu tiennes mordicus à l'écrire toi-même, auquel cas je te recommande Sombre 4, qui contient un article très détaillé sur la construction des scénarios Classic. Si tu n'as rien contre l'idée de mener mon matériel, Sombre 7 propose un scénario dans lequel tu n'auras aucun mal (et je dis bien *aucun*) à intégrer la mythologie Hellraiser. Ceci pour une raison simple, elle en est l'une de ses sources d'inspiration principales. Hé, moi aussi je suis fan.
Je ne rentrerai pas dans les détails car je ne veux pas spoiler La nuit sans été, mais je peux tout de même te dire que les joueurs sont invités à y incarner Lord Byron et ses amis poètes romantiques. Ils les interprètent durant cette fameuse nuit de juin 1816 au cours de laquelle Mary Shelley a commencé à écrire Frankenstein. La partie dure 5 à 6 heures, briefing compris, se joue à 4 ou 5 (+ le meneur), et tourne en Classic avec le deck et le story deck. Les personnages y sont prétirés et, tu le constateras par toi-même, pile-poil dans l'ambiance Hellraiser. Tu n'auras même pas à incruster un Cénobite dans l'affaire, je l'ai fait pour toi. Il a juste besoin d'un rapide make over latex-piercing pour satisfaire au dress code barkerien. Mais je te fais toute confiance sur ce point, petit coquinou.
Sombre 9 est en précommande sur le site de Terres Étranges, auquel vous pouvez accéder ICI.
Et si vous voulez en savoir encore plus sur le jeu, vous pouvez aller consulter les deux entretiens que Johan Scipion nous a donné à propos de son jeu, ICI (interview de 2011) et LA (interview de 2017)
Publié le mardi 26 février 2019 à 14h00
Source : Communiqué de presse
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