PIFFF 2012 : la séance d'ouverture
Ca commence fort !

Pifff 2012 avec Naila Ma et Gérard Cohen

C'est parti ! Succès oblige en 2011 (4600 spectateurs !), cette seconde édition du Paris International Fantastic Film Festival dit le PIFFF est bien plus médiatisée et propose encore plus de films que l'année dernière (voir ici la programmation). C'est dans une bonne ambiance que Fausto Fasulo, Cyril Despontin et Gérard Cohen - avec en maîtresse de cérémonie la ravissante Naila Ma - sont venus introduire leur festival et présenter au public le jury (Pascal Laugier, Nicolas Boukhrief, Julien Carbon, Laurent Courtiaud et Xavier Gens) qui devra décerner le Prix du Meilleur long métrage, attribué en 2011 à Bellflower par Christophe Gans, Roger Avary, Lucile Hadzihalilovic et Jaume Balaguero.

Pour lancer les hostilités, quoique de mieux que le nouveau film de Don Coscarelli, qui représente au mieux l'état d'esprit du festival. Le réalisateur n'était pas présent ce soir mais a filmé un amusant message pour les spectateurs du PIFFF. Mais avant John Dies at the End était projeté Mort d'une ombre (Death of a shadow), un beau court métrage belge réalisé par Tom Van Avermaet et avec Matthias Schoenaerts (révélation de Bullhead et de De Rouille et d'os). Ce dernier incarne un soldat mort au combat qui traverse les époques afin de traquer les ombres. Lorsqu'il les photographie, il capture les derniers souffles des morts et les apporte à un collectionneur sordide auquel il veut racheter sa vie. En 20 minutes aussi denses que contemplatives, le cinéaste parvient à élaborer une intrigue complexe, dramatiquement et thématiquement riche, mais rendue simple et compréhensible à l'écran grâce à un vrai talent de conteur et d'illustrateur, qui prend le temps de raconter une belle histoire. Le réalisateur développe un univers visuel mélangeant les époques et les courants (du baroque au steampunk), d'où des décors magnifiques (cf. la galerie du collectionneur) et une superbe photo. Death of a shadow a déjà obtenu un grand succès dans de nombreux festivals et a même concouru pour une nomination aux Oscars. Voir la bande-annonce

Death of a shadow

John Dies at the End : Cinéaste rare et précieux, Don Coscarelli tourne peu (son précédent film, Bubba Ho-Tep, c'était il y a déjà 10 ans) mais fait mouche à chaque fois (à un Dar l'invincible près, et encore), accouchant d'OFNI déglingués et hors-normes qui restent ancrés dans les mémoires. Si son petit nouveau ici présenté est de ceux-là, il va encore plus loin dans l'exploration onirique, à tel point qu'il en devient inracontable. Disons qu'on y suit deux losers totalement hallucinés comme s'ils étaient continuellement défoncés depuis qu'ils ont été « contaminés » par une sauce soja vivante leur permettant d'acquérir une vision tridimensionnelle (passé, présent, futur), et c'est dans cet état entre hébétude et hystérie qu'ils vont découvrir une réalité alternative et voyager dans plusieurs dimensions afin de lutter contre des démons sortis d'une boite de Pandore...Bref, un tel film ne se raconte pas, il se vit/voit.

Plus que jamais, l'un des masters of horror Don Coscarelli construit un véritable delirum, foire aux monstres (lovecraftiens), aux effets spéciaux en tous genres (on a même droit à un court passage gore en animation), aux idées farfelues (une par minute), place à l'absurdité démente et parfois gonzo. Dans ce farfelu John Dies at the End, on croise avec étonnement et éclats de rire une poignée de porte qui se transforme en bite (« Hors de question qu'on prenne cette porte ! »), une moustache qui s'arrache d'un visage pour batifoler ensuite tel un papillon, un chien qui conduit, un hot dog qui sert de téléphone, une secte tout droit sortie d'Eyes Wide Shut ou encore un monstre composé de morceaux de viandes et de charcuterie (de quoi concurrencer le monstre en caca de Dogma). L'intro donne d'emblée le ton, questionnant la raison à coups de hache. En bonus : Clancy Brown en gourou facho-mystique (rôle qui fait écho à celui qu'il tenait dans La Caravane de l'étrange), Paul Giamatti en journaliste dubitatif auquel notre héros raconte toute l'histoire et Doug Jones pour une fois sans costume en latex.

John dies

Bien que très original, John Dies at the End est adapté du roman de David Wong (qui avait fait le buzz sur internet et qui contient donc déjà bon nombre des idées barges mises en images dans le film) et se rapproche de trips teen pré-apocalyptiques déviants et oniriques comme Kaboom, Nowhere, Fatal Games ou Detention, évoquant aussi par moments le cinéma de John Carpenter (que ce soit pour Invasion Los Angeles, L'Antre de la folie, Prince des Ténèbres ou même Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin), de David Cronenberg (en particulier Existenz et Le Festin nu) ou de Stuart Gordon (notamment pour Dagon et Réanimator), ou encore des séries comme La Quatrième Dimension ou Sliders en plus « high ». Le réalisateur des Phantasm y témoigne une nouvelle fois de sa fascination pour l'engrenage du rêve et ses rouages, pour la physiologie, les motifs du cauchemar (toutes les phobies y passent), pour les transferts corporels et mentaux, et pour les personnages complètement déconnectés de la réalité et auxquels une mission de l'ombre est confiée (ce qui vient combler le vide de leur existence). Le tout dans un récit dense, énergique, imprévisible et improbable, riche en surprises et en rebondissements, mais aussi en effets gores et dégueulasses (tête explosée au fusil, yeux exorbités jusqu'à l'éclatement, démembrements, carcasses humaines...). Comme le dit l'un des personnages, « Si Franz Kafka était là, il s'arracherait la tête ». Don Coscarelli n'a pas son pareil pour élaborer des moments d'abstraction hors du temps complètement perchés (cf. le dialogue avec le rasta), accrochant le spectateur dans un parfum électrique de mystère et d'absurde.

John dies poster

Souvent hilarant de non-sens et de folie, enquillant les gags excentriques avec frénésie, le trip est total, assumé jusque dans ses élans kitsch (le final). La mise en scène est elle-même très libre, comme inspirée par le délire de cette étrange drogue-soja. Comme sur Bubba Ho-Tep, Brian Tyler en rajoute dans le décalage et le pastiche (cf. ses notes de western). C'est lorsque le spectateur est aussi paumé et malmené que le personnage principal que le film est le plus jouissif, particulièrement dans sa première heure (à partir de la rencontre avec le rasta), après quoi il souffre de quelques longueurs et répétitions dans ses invraisemblables (mais très drôles) explications qui le rendent très bavard. Mais du bavardage aussi fumeux que jubilatoire, car le réalisateur est parfaitement conscient des absurdités que racontent ses personnages. Force est d'avouer que malgré le généreux spectacle qu'il propose, John Dies at the End ne mène nulle part (ou au contraire un peu partout) et qu'il y manque l'émotion qu'on pouvait trouver dans Bubba Ho-Tep. Il faut le prendre pour ce qu'il est : juste un gros délire dans lequel un réalisateur malin et curieux s'amuse avec les rêves, les fantasmes et les illusions. Plus encore que les précédents films du réalisateur, ce fou et loufoque John Dies at the End donne l'étrange sensation d'être sous champi, ou quelque chose dans le genre, effet qui a tendance à le rendre plus drôle que touchant. Certains n'y adhérerons pas comme on peut refuser les « films-drogue ». Ce qui est sûr, c'est que vous n'irez pas prendre de la sauce soja en sortant de cet abracadabrantesque et dantesque John Dies at the End (par contre vous irez peut-être adopter un chien, ça peut toujours servir en ces temps de fin du monde)...Voir la bande-annonce

Une belle entrée en la matière pour une programmation qui promet d'être riche, variée et barrée, et qu'on ne manquera pas de vous détailler jour après jour.

 

Sommaire Pifff 2012 :

Pifff Jour 1
Pifff Jour 2
Pifff Jour 3
Pifff Jour 4
Pifff Jour 5
Pifff Jour 6
Pifff Jour 7
Pifff Jour 8
Pifff Jour 9
Pifff Jour 10

 

 

Le jury 2012 du Pifff

Jonathan C. et Richard B.

Auteur : Jonathan C.
Publié le samedi 17 novembre 2012 à 07h56

Diaporama photo : John Dies at the End [2014]

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Commentaires sur l'article

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    Naila, maitresse de cérémonie? On a vu mieux...
    kesako, le 17 novembre 2012 23h32
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    pas physiquement, en tous cas...
    marco, le 18 novembre 2012 01h51

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