Entretien avec... Robert Charles Wilson
A l'occasion de la sortie de son roman A travers temps et la future parution de Julian Comstock
Robert Charles Wilson est l'auteur mondialement connu de Spin, récompensé par le prix Hugo. Avant de connaître la renommée qu'il a aujourd'hui, il est monté doucement en puissance, grimpant les échelons en écrivant des romans de plus en plus maîtrisés. Au sommet de son art, son roman Julian Comstock (à paraître chez DLE), a été nominé pour de nombreux prix. Nous sommes revenus avec lui sur ses précédents romans, à commencer par A travers temps sorti en avril 2010 aux éditions Denoël, coll. Lunes d'encre.
Robert Charles Wilson, laissez-moi d'abord vous féliciter pour la nomination de Julian Comstock pour les prix John Campbell Memorial et Sunburst. Il a aussi été nominé pour le prix Locus et pourrait remporter le prix Hugo. Votre deuxième roman dans ce genre (Julian, une histoire de Noël), différent de ce que vous aviez l'habitude d'écrire jusqu'à présent, a déjà eu de bonnes critiques (Cory Doctorow (1) a écrit que ce pourrait être votre meilleur roman). Il pourrait rencontrer le même succès que Spin (2), mais dans un autre genre. Considérez-vous ce roman comme un nouveau défi pour vous ?
Julian Comstock est différent du reste de mon oeuvre par de nombreux aspects, mais je ne suis pas certain que j'en parlerais comme d'un « défi ». J'ai aimé avoir eu l'opportunité d'adopter une voix, un point de vue et une perspective inhabituels. Peut-être « départ » serait un meilleur mot.
Je ne pense vraiment pas que les écrivains devraient se confiner dans les considérations de genre, et spécialement pas dans les considérations associées aux sous-genres et sous-sous-genres - steampunk, cyberpunk, hard science etc. Vraiment, ce sont les noms des jouets des écrivains. « Genre » est une boîte vide : ce qui importe est ce que vous y mettez dedans.
Comme nouveau départ, avez-vous aimé l'écrire et pensez-vous à l'avenir écrire ce genre de roman à court ou à long terme?
J'ai beaucoup aimé. Julian a été un plaisir à écrire. Ecrire de nouveau « ce genre de roman » dépend de ce que vous voulez dire par « ce genre de roman ». Je pense que Julian est un roman plus amusant, où je me suis laisser aller dans l'écriture plus que d'habitude. J'aimerais essayer autre chose dans cet état d'esprit... mais je doute que cela ressemblerait d'une manière ou d'une autre à Julian.
Comme Julian Comstock ne doit pas paraître avant un an en France, pouvez-vous dire deux mots de son histoire aux lecteurs (dont certains ont lu Julian: un conte de Noël (3).)?
La novella Julian: un conte de Noël est une présentation des personnages dont l'histoire se poursuit dans Julian Comstock. Le roman se déroule dans une Amérique du Nord quasi théocratique qui s'est effondrée, qui n'a plus de pétrole, et dans laquelle les Etats-Unis sont en guerre contre les Hollandais pour s'emparer des passages du Labrador et Nord-ouest. Julian est le neveu du prince régnant, qui le considère comme une menace pour le pouvoir, alors que Julian n'a qu'une ambition : faire un film sur la vie de Charles Darwin.
Le livre repose sur tant de sources que je ne vais pas commencer à toutes les lister, mais parmi elles, il y a : l'histoire de l'Empereur Julian l'Apostat, les fantasmes paranoïaques des Nationalistes Chrétiens dans les Etats-Unis contemporaines, la littérature Américaine du XIXe spécialement l'œuvre autrefois populaire mais aujourd'hui oubliée du fils d'un auteur qui s'appelait lui-même Oliver Optic, la menace du réchauffement climatique et de l'épuisement des ressources... plus une forte et perverse envie de trouver le côté amusant de l'apocalypse.
Etait-ce un sujet sur lequel vous souhaitiez écrire depuis longtemps ? Y-a-t-il d'autres périodes de l'Histoire sur lesquelles vous voudriez écrire ?
Je pense que c'est Charles Stross qui disait que « l'histoire est le secret commercial de la science-fiction ». Bien-sûr, les auteurs de science-fiction n'abordent pas l'histoire de la même façon que les romanciers historiques. Les auteurs de science-fiction et de fantastique peuvent plier, sculpter et refaire l'histoire pour parvenir à leurs fins. Je reste fasciné par le mouvement américain visant à abolir l'esclavage et la résistance farouche qu'il rencontre. J'ai déjà abordé le sujet dans une récente nouvelle appelée « This Peaceable Land; or the Unbearable of Harriet Beecher Stowe». En ce moment je lis sur le philosophe du XVIIe Baruch Spinoza et la communauté juive Sephardique à Amsterdam, conduite hors d'Espagne et du Portugal par l'Inquisition. Si tout cela va déboucher sur une oeuvre de fiction, c'est trop tôt pour le dire.
En France, à travers temps vient juste de paraître, alors qu'il avait été écrit en 1991. Cela signifie que tous vos livres ont été traduits en France. Comment travaillez-vous avec Gilles Dumay (Denoël Lunes d'encre) ?
Je n'ai pas grand chose d'intéressant à dire à propos de Gilles, principalement parce que nos relations de travail se font sans difficulté -du moins de mon point de vue. (Peut-être est-ce parce que travailler avec un auteur solide en traduction est un peu différent du fait de recevoir un manuscrit pour une première publication). Je veux lui attribuer tout le mérite pour la confiance qu'il a en mon travail, et j'aimerais aussi mentionner Gilles Goullet, mon traducteur à Denoël, qui travaille depuis longtemps sur mes livres et qui est en train de traduire Julian Comstock. Je suspecte Julian d'être une épreuve particulière pour lui, puisque c'est bardé d'expressions et de structures grammaticales archaïques. Dans Julian, j'ai fait de mon mieux pour capter la combinaison de la fougue et de l'humilité de l'arrière-pays qui caractérisaient la fiction populaire américaine entre 1820 et 1890 - pas la chose la plus facile à rendre en traduction, j'imagine.
Est-ce que vous appréciez venir en France (comme en avril 2010 pendant les Imaginales) et affronter les lecteurs enthousiastes français ?
Chacune de mes trois visites en France a été un plaisir. Je suis encore embarrassé par ma maladresse en Français - Je viens d'un pays qui est bilingue, après tout. Mais j'ai toujours été accueilli avec générosité par les lecteurs et professionnels français. C'est un cliché, bien sûr, mais l'Europe peut sembler intimidante pour quelqu'un venant d'un pays plus connu pour son industrie du canoë et son massacre des phoques. Mes hôtes ont été gentils.
Votre premier livre a été publié en 1986 (La Cabane de l'aiguilleur (5).). Que pensez de votre oeuvre de 1986 jusqu'à présent, en termes de style, de construction, de description de personnages, d'évolution etc. ?
Les auteurs sont souvent pudiques sur leur travail de jeunesse - quand Thomas Pynchon a publié un recueil de ses premières nouvelles, il lui avait donné le nom de « qui apprend lentement ». Je ne suis pas Thomas Pynchon, mais je pense vraiment que je suis un auteur qui a appris quelques choses tout au long de mon parcours. Je ne suis pas arrivé dans le milieu tout à coup comme une lumière vive, ce qui est arrivé à certains auteurs, et rétrospectivement je me félicite pour cela -la pression exercée sur un auteur novice d'un écrasant premier succès ont brisé plus d'une carrière.
Je me considère chanceux d'avoir pu faire un apprentissage. Dans le marché américain de nos jours, tout dépend des chiffres de vente de votre dernier roman. Les éditeurs n'ont pas le luxe de faire d'un auteur prometteur un écrivain majeur. Vous commencez gros ou vous ne commencez pas. Je pense que cette mentalité liée aux résultats ne rend pas service à la littérature. Je crois que le genre est plus superficiel et moins intéressant à cause de ça.
Quelles sont vos influences? Comment êtes-vous venu à l'écriture et spécialement à l'écriture de Science-fiction et fantastique?
J'ai toujours aimé la littérature de l'imaginaire et la science fiction depuis que j'ai commencé à lire. Pourquoi cela devrait être vrai est une intéressante question, une que je me pose souvent. Je pense que chaque auteur de SF et de fantastique se demande occasionnellement pourquoi il ou elle est attiré par le genre - pas parce qu'il y a une réponse définitive, mais parce que la question elle-même est une manière de méditer sur ce que vous aimez dans la littérature et ce que cela vous apporte.
Avez-vous jamais écrit des romans hors SF et fantastique et pensez-vous le faire un jour?
J'y pense souvent, et il se pourrait que cela arrive. En même temps, c'est à travers la science fiction que j'ai appris à aimer écrire et lire en général. SF et fantastique me fascinent toujours autant. Je ne peux tourner le dos à ma muse !
Avec les fils du vent (6), vous avez écrit votre première histoire d'univers parallèles. Ce ne serait pas la seule fois : le vaisseau des voyageurs (7), Mysterium (8), Darwinia (9). Qu'est-ce qui est le plus intéressant dans les univers parallèles ? Aimez-vous décrire un environnement différent dans lequel vous mettez des personnages « normaux » ? Ce qui importe n'est-il pas la façon dont ils réagissent à cet environnement ?
Les univers parallèles nous rappellent que l'histoire est profondément incertaine - le monde tel qu'il existe n'est pas ordonné ou prédéterminé. La « modernité » vacille sur des tas hauts d'un mile d'accidents, de virages du destin, et de décisions de tirage au sort. J'aime confronter mes personnages avec cette vérité simple mais contre intuitive.
Dans le vaisseau des voyageurs (ou Blind lake (10).), il y a certes les univers parallèles mais c'est assez différent du fait des ET. En SF, ils ont souvent été considérés comme agressifs ou hostiles contre la race humaine. Etait-ce supposé être un point de vue différent sur les entités extra-terrestres ?
La SF dépeint des aliens hostiles depuis au moins H. G. Wells et la guerre des mondes, mais il y a d'autres traditions dans le genre : des aliens bienveillants, des aliens divins, des aliens impénétrables etc. Nous aimons projeter nos meilleurs et pires traits de caractère dans les ET imaginaires. Mais n'importe quelle véritable espèce d'aliens conscientes résulteraient de millions d'années d'évolution biologique et culturelle dans des circonstances très particulières et très différentes - probablement pas du tout comme nous, peut-être même pas compréhensibles de notre point de vue.
Pour le moment nous n'avons qu'un seul exemple d'espèce consciente, utilisant un langage : nous-mêmes. Et c'est difficile de généraliser à partir d'un seul exemple.
Dans Spin et Axis (11), les Hypothétiques sont plutôt indifférents aux êtres humains. Ce n'est pas ce qu'ils sont qui importe mais ce qu'ils (Les humains) pourrait faire s'ils pouvaient voyager à travers l'espace. Cela pourrait-il être une réponse au paradoxe de Fermi : nous ne sommes pas assez évolués techniquement pour être observés ?
Il y a d'innombrables explications au paradoxe de Fermi et aucune preuve pour chacune d'entre elle - c'est pourquoi il est si amusant de spéculer à ce propos. Ma conception des Hypothétiques était que des entités capables d'agir sur de vastes zones d'espace et de temps ne pourraient vraiment percevoir ou faire attention à des évènements aussi éphémères que la vie humaine ou même la civilisation humaine. Tout ce qu'ils peuvent vraiment voir de nous est ce qui dure pendant d'immenses périodes de temps. Notre culture leur serait moins visible que notre effet sur le climat mondial, par exemple.
BIOS (12) est aussi une confrontation entre les êtres humains et une entité extra-terrestre, une exoplanete. L'ambiance est similaire à celle de Rendez-vous avec Rama et Solaris: tension, inconnu, découverte... Etait-ce une sorte d'hommage (un bon, hein)?
Vous pourriez dire cela, même si l'hommage n'est pas seulement pour Arthur C. Clarke et Stanislaw Lem; la tradition remonte très loin dans la science-fiction.
Vous êtes toujours juste quand vous décrivez vos personnages. Certains sont très singuliers: il y a une double personnalité dans vice versa (13), une personnalité semblable à une machine dans ange mémoire (14). Certains nous sont très proches, dans la plupart de vos livres. Mais cela sonne toujours juste. Comment les construisez-vous, comment les faites vous vivre?
J'aimerais avoir une bonne réponse pour cette question, mais je n'en ai pas. Construire un personnage est un procédé intuitif pour moi, pas facile à expliquer. Je pense sincèrement que les personnages deviennent intéressants quand nous leur laissons la possibilité de douter d'eux-mêmes.
Diriez-vous que les relations de familles sont une colonne vertébrale autour de laquelle vous construisez vos histoires ?
Parfois. Les familles nous ancrent et nous définissent, même (ou peut-être spécialement) quand ces relations sont mauvaises ou cassées.
Le dernier thème est le voyage dans le temps: les chronolithes (15), à travers temps. Comme vous écriviez précédemment, est-ce un moyen pour vos personnages de corriger les accidents, les tournants du destin de l'Histoire ?
Peut-être pas pour « corriger » les accidents de l'histoire mais plus pour les expérimenter différemment. J'aime bouleverser mes personnages dans le temps et l'espace. Nous avons tendance à expérimenter « le présent » comme plus réel que le passé ou le futur, mais c'est une illusion.
A travers temps est plus un thriller, avec plus de rythme que les autres romans, peut-être plus sombre. Diriez-vous que c'est un roman spécial dans votre oeuvre?
Je ne l'avais prévu comme cela; c'est juste la façon dont l'histoire s'est écrite elle-même. Chaque histoire a une logique différente.
Vous avez écrit Vortex. Pouvez-vous nous en dire un mot ?
Vortex est en quelque sorte un livre sombre - deux de ses personnages centraux doivent confronter la possibilité qu'ils sont d'une certaine façon artificiels, que les plus profondes et les signifiantes parties d'eux-mêmes ont été fabriquées de sources externes. (Je ne peux pas être plus spécifique sans dévoiler les secrets du roman). Et son pronostic pour l'avenir de la Terre et de l'humanité est mitigé, au mieux.
D'autres projets en cours?
Je commence un nouveau livre, mais je n'ai pas de titre pour l'instant. Cela parle de la possibilité de l'intelligence sans conscience. (Intelligence robotique, intelligence des insectes - l'intelligence de ruche ou de fourmilière). C'est une idée effrayante et fascinante, il me semble, avec d'intéressantes possibilités dramatiques.
Merci Robert Charles Wilson. Nous attendons Julian Comstock et Vortex, à paraître prochainement aux éditions Denoël Lunes d'encre.
(1) : http://www.boingboing.net/2009/06/24/julian-comstock-robe.html
(2) : Spin (éd. Denoël Lunes d'encre)
(3) : Julian: un conte de Noël in Mysterium (éd. Denoël Lunes d'encre)
(4) : A travers temps (éd. Denoël Lunes d'encre)
(5) : La Cabane de l'aiguilleur in Mysterium (éd. Denoël Lunes d'encre)
(6): les Fils du Vent (éd. J'ai lu)
(7) : Le Vaisseau des Voyageurs (éd. J'ai lu)
(8) : Mysterium (éd. Denoël Lunes d'encre)
(9) : Darwinia (éd. Denoël Lunes d'encre)
(10) : Blind lake (éd. Denoël Lunes d'encre)
(11) : Axis (éd. Denoël Lunes d'encre)
(12) : BIOS (éd. Gallimard Folio SF)
(13) : Vice Versa (éd. J'ai lu)
(14) : Ange mémoire (éd. Gallimard Folio SF)
(15) : Les Chronolithes (éd. Denoël Lunes d'encre)
Version originale de l'interview:
Robert Charles Wilson, let me first congratulate you for Julian Comstock is short-listed for the John W. Campbell Memorial Award and Sunburst Award. It was also nominated for the Locus Award and could win the Hugo Award. Your second novel in this genre (Julian, a Christmas story), different from what you have used to be writing until now, has already had great reviews (Cory Doctorow writes it could be your best novel). It could be as successful as Spin, yet in another genre. Do you consider this novel as a new challenge for you?
Julian Comstock is different from the rest of my work in a number of ways, but I'm not sure I would call it a "challenge." I enjoyed the opportunity to adopt an unusual voice, point of view, and historical perspective. Maybe "departure" would be a better word.
I really don't think writers should feel confined by genre expectations, and especially not by the expectations associated with sub-genres or sub-sub-genres-steampunk, cyberpunk, hard science fiction, and so on. Really, those are just names for the toys writers play with. "Genre" is an empty box: what matters is what you put inside it.
As a new departure, did you enjoy writing it and are you to write this kind of novel again at short or long term?
I enjoyed it immensely. Julian was a pleasure to write. Whether I'll write "this kind of novel" again depends on what you mean by "this kind of novel." I think Julian is a more freewheeling, funnier book than what I usually write. I would like to try something else with that general feeling . . . but I doubt it would resemble Julian in any specific way.
As Julian Comstock should not be published within a year in France, could you tell the readers (some of whom have read Julian: a Christmas story) a few words about the story?
The novella "Julian: A Christmas Story" introduced the characters whose story is continued in Julian Comstock. The novel takes place in a post-collapse, oil-depleted, quasi-theocratic North America in which the United States is at war with the Dutch for the possession of Labrador and the Northwest Passage. Julian is the nephew of the reigning President, who considers him a threat to his power, while Julian himself has only one real ambition: to make a musical motion picture about the life of Charles Darwin.
The book draws on so many sources I'm reluctant to begin listing them, but among them are the story of the Roman Emperor Julian the Apostate; the paranoid fantasies of Christian Nationalists in the contemporary United States; nineteenth-century American literature, especially the once-popular but now forgotten work of a children's writer who called himself Oliver Optic; the threat of global warming and resource depletion . . . plus a certain perverse urge to find the funny side of the apocalypse.
Was that a subject you wanted to write for long? Are there other History periods you would like to write on?
I think it was Charles Stross who said that "history is the trade secret of science fiction." Of course, science fiction writers don't approach history the way historical novelists do. Science fiction and fantasy writers can bend, sculpt, and remake history to suit their purposes. I remain fascinated by the American movement to abolish slavery and the fierce resistance it met. I touched on this in a recent short story called "This Peaceable Land; or, the Unbearable Vision of Harriet Beecher Stowe." Currently I've been reading about the 17th century philosopher Baruch Spinoza and the Sephardic Jewish community in Amsterdam, driven out of Spain and Portugal by the Inquisition. Whether any of that will translate into a work of fiction, it's too soon to say.
In France, a bridge of years has just been released, though it was written in 1991. That means that all of your books have been translated in France. How do you work with Gilles Dumay (Denoël Lunes d'encre)?
I don't have anything very interesting to say about Gilles, mainly because our working relationship has been so effortless-at least from my point of view. (Maybe that's because working with an established writer in translation is a little different from acquiring a manuscript for first-time publication.) I do want to give him credit for his confidence in my work, and I should also mention Gilles Goullet, my translator at Denoël, who labored long over some of my books and is currently translating Julian Comstock. I suspect Julian is a particular trial for him, since it's laden with archaic idioms and grammar. In Julian I was trying hard to capture the combination of brashness and backwoods humility that characterized American popular fiction from the 1820s to the 1890-not the easiest thing to render in translation, I imagine.
Do you appreciate being in France (as you were in April 2010 during festival les Imaginales) and facing French enthusiast readers?
Each of my three visits to France has been a pleasure. I'm still embarrassed by my clumsiness with the French language-I'm from a nominally bilingual country, after all. But I've always been treated with generosity by French readers and professionals. It's a cliché, of course, but Europe can seem intimidating to someone from a country best known for its canoe industry and its seal slaughter. My hosts have been kind.
Your first book was published in 1986 (a hidden place ). What do you think about your past work from 1986 until now, in terms of writing style, story building, character describing, work evolution and so on?
Writers are often bashful about their youthful work-when Thomas Pynchon published a collection of his early short stories he gave it the title Slow Learner. I'm no Thomas Pynchon, but I do think of myself as a writer who learned a few things along the way. I didn't burst into the field with a sudden bright light, the way some writers do, and in retrospect I'm thankful for that-the pressure on a novice writer that results from an overwhelmingly successful first novel has killed more than one career.
I consider myself lucky to have been able to serve an apprenticeship. In the American market nowadays, everything depends on your last book's sales numbers. Publishers don't have the luxury of nurturing a promising writer into a major voice. You start big or you don't start. I think that kind of bottom-line mentality does a disservice to literature. I think the genre is shallower and less interesting because of it.
What were your influences? How did you come to writing and especially fantasy and science fiction writing?
I've loved science fiction and imaginative literature ever since I learned to read. Why that should be true is an interesting question, one I often ask myself. I think every sf and fantasy writer should occasionally wonder why he or she is attracted to the genre-not because there's a definitive final answer, but because the question itself is a way of meditating on what you love about literature and what you can bring to it.
Did you ever write no SF or fantasy novels and do you think about it one day?
I think about it often, and it might happen. At the same time, it was through science fiction that I learned to love reading and literature in general. SF and fantasy still fascinate me. I can't turn my back on my muse!
With Gypsies, you wrote your first story about alternative universes. It wouldn't be the only one: the Harvest, Mysterium, Darwinia. What is the most interesting thing in these parallel universes? Do you enjoy describing a quite different environment in which you put "normal" human characters? What matter isn't how they face their new environment?
Parallel universe stories remind us that history is deeply contingent-the world as it exists isn't ordained or pre-determined. "Modernity" teeters on a mile-high stack of accidents, twists of fate, and coin-toss decisions. I like to confront my characters with that simple but counterintuitive truth.
In the Harvest (or Blind lake), there are parallel universes but it is quite different because of the ETs. In SF, they have very often been considered as aggressive, or evil to human race. Was that supposed to be a different point of view about extra-terrestrial entities?
SF has been portraying hostile aliens at least since H.G. Wells and The War of the Worlds, but there are other traditions in the genre: benevolent aliens, god-like aliens, inscrutable aliens, etc. We like to project our best and worst traits onto imaginary ETs. But any real-life sentient alien species would be the result of millions of years of biological and cultural evolution under very particular and very different circumstances - probably not much like us at all, maybe not even comprehensible from our point of view.
At the moment we have only one example of a sentient, language-using species: ourselves. And it's difficult to generalize from a single example.
In Spin and Axis, the Hypotheticals are kind of indifferent to human beings. It is not what they are that matters but what they (The humans) could do if they could travel through space. Could it be an explanation to Fermi paradox: we are not enough technically evolved to be watched?
There are countless possible explanations of the Fermi paradox and no evidence for any of them - that's why it's so much fun to speculate about it. My conception of the Hypotheticals was that entities capable of acting over vast spans of space and time might not be able to really perceive, or care about, events as ephemeral as a human life or even a human civilization. All they can really see of us is what persists over immense lengths of time. Our culture would be less visible to them than our effect on the global climate, for instance.
BIOS is also a confrontation between human beings to extra-terrestrial matter, an exoplanet. The ambiance is a bit similar to the one from Rendez-vous with Rama and Solaris: tension, unknown, discovery... Was that a kind of homage (a great one, then)?
You could say so, although the homage isn't only to Arthur C. Clarke and Stanislaw Lem; the tradition runs very deep in science fiction.
You are always right when you describe your characters. Some are very singular: there is a double personality in the divide, a computer-like one in memory wire. Some are very like us, in most of your books. But it always rings true. How do you build them, how do you let them live?
I wish I had a good answer for this question, but I don't. Building a character is an intuitive process for me, not easy to explain. I do think characters become more interesting when we allow them to doubt themselves.
Would you say that family relationships are the spine bone of your books around which you build your stories?
Sometimes. Families anchor and define us, even (or maybe especially) when those relationships are faulty or hopelessly broken.
The last theme you wrote is time travel: the Chronoliths, a bridge of years. As you wrote previously, is it a way for your characters to correct the accidents, twists of fate of History?
Maybe not to "correct" the accidents of history so much as to experience them differently. I like to dislocate my characters in time and space. We tend to experience "the present" as more real than the past or the future, but that's an illusion.
A bridge of years is more a thriller, with more rhythm than the others novels, maybe darker. Would you say it is a special novel in your work?
I didn't plan it that way; it's just the way the story wrote itself. Every story has a different logic.
Have you been writing Vortex? Could you say a word about it?
Vortex is in some ways a dark book - two of its central characters have to confront the possibility that they're in some ways artificial, that the deepest and most meaningful parts of themselves have been fabricated from external sources. (I can't be more specific without giving away the book's secrets.) And its prognosis for the future of the earth and of humanity is mixed, at best.
Other projects running?
I'm beginning a new book, though I don't have a title for it yet. It deals with the possibility of intelligence without consciousness or awareness. (Robotic intelligence, insect intelligence - the intelligence of the anthill or the beehive.) That's a scary and fascinating idea, it seems to me, with interesting dramatic possibilities.
Thank you Robert Charles Wilson. We are waiting for Julian Comstock and Vortex to be published by Denoël Lunes d'encre.
Entretien réalisé par email du 04 juillet au 06 septembre 2010.
Publié le dimanche 19 septembre 2010 à 15h30
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