Nifff 2010 J2 : La vie, la mort et les échecs
Deuxième jour des manifestions cinématographiques Neuchâteloise.

Une fois l'ouverture lancée, le gros du programme peut commencer, un programme qui a d'ailleurs débuté avec Die ewige Maske de Werner Hochbaum datant de 1935 dans le cadre de la rétrospective du cinéma fantastique Suisse. Soyons honnête, nous ne l'avons pas vu, préférant interroger une certaine actrice américaine qui à marqué notre adolescence au travers de films tels que Pulsions, Carrie, Blow Out ou encore Robocop. On ne vous en dit pas plus, d’ici une semaine ou deux vous pourrez partager notre enthousiasme via notre reportage video...

Le film Suisse fut suivi du québécois 5150, Rue des Ormes que nous avions pu découvrir à Gérardmer ou au Bifff. Le film d'Eric Tessier a fait ici une fois encore sensation –les avis étaient unanimes à l’issue de la projection- entretenant au fil des manifestations fantastiques cette réputation de « très bonne surprise de festival ».

Film de séquestration au pitch ahurissant (le séquestreur promet de libérer son hôte s’il parvient à le battre aux échecs !), le métrage dispose de plusieurs atouts imparables d’efficacité, qu’il s’agisse de son « emballage » ou du scénario qu’il illustre. Afin de représenter la spirale de folie dans laquelle vont sombrer les protagonistes (la « séquestration » de l’histoire étant mentale avant d’être physique), le film parvient à distiller une atmosphère de plus en plus oppressante, aussi bien via la direction d’acteurs, tous impeccables de justesse (M.-A. Grondin épate une nouvelle fois), l’intelligence des dialogues (et notre cinéma de genre français à nous sait que c’est pas facile d’écrire des dialogues intelligents, hein, bon), que d’audacieuses idées de mise en scène, telle la représentation dans un univers virtuel de ce qui se passe dans la tête des deux joueurs. Le film ose également aller au bout de ses concepts et postulats de départ : la réflexion, légitime, sur la « Justice » toute personnelle du père séquestreur trouve ainsi son aboutissement lors de la grandiloquente partie d’échec finale. Cette séquence, au sein de laquelle les joueurs font désormais partie intégrante du jeu, montre que quelles que soient leurs intentions, aussi louables soient-elles (une certaine idée de la « Justice » donc pour l’un et la satisfaction d’achever quelque chose pour l’autre), les deux protagonistes finissent pervertis par leur obsession, monomanie anéantissant dans l’œuf le dessein original.


Dans la lignée des cinglés, c'est « The Killer Inside me » de Michael Winterbottom qui a pris la relève de la famille Beaulieu. Ici, il s'agit de suivre le shérif d'un petit bled qui découvrira au fur et à mesure les pulsions violentes qui sommeillent en lui. Si le film permet de contempler un temps le postérieur et le jolie minois de Jessica Alba, celle-ci va très vite passer un sale moment. Le film de Michael Winterbottom possède quelques bonnes répliques, de bon passages, une ambiance assez soignée, et profite surtout de la prestation d'un Casey Affleck en grande forme. Dans cet emballage des plus séduisants, on reprochera un film parfois ennuyeux, confus, et une conclusion ratée et prévisible.

Selon Romain, « The Killer Inside me » est une superbe coquille vide. Certes, le métrage possède une production design fascinante, de la reconstitution des fifties américaines (dans l’image mais aussi au niveau de la bande son et du sound design) à la photographie aux teintes passées et poussiéreuses vraiment immersives, mais en ce qui concerne le reste du travail destiné à l’immersion de son spectateur, Winterbottom ne donne pas grand-chose à se mettre sous la dent. Entre le rythme de tracteur-tondeuse du métrage, l’interprétation nonchalante et la voix nasillarde haut perchée d’un Casey Affleck irritant, le spectateur a le temps de regretter le traitement bien plus crade mais bien plus pertinent du Portait of a serial killer de John McNaughton sur un thème identique. Alors bon, si c’était juste là l’occasion pour le réalisateur de choquer la ménagère féministe via une steak-haché-isation du doux minois de Jessica Alba et une flaque de pisse, toute l’entreprise semble foutrement vaine. A noter par ailleurs qu’un des plans les plus intéressants émotionnellement entre le personnage de Affleck et sa femme (interprétée par Kate Hudson) a tout bonnement été emprunté au magistral Arrivederci amore ciao de Michele Soavi.
Reste, et c’est bien là l’une des seules choses qui ait maintenu mon attention en éveil, l’interprétation ultra jouissive de Ellias Koteas, plus Bob de Niro que jamais !



Arrivent finalement les séances de 22 heures. D'un côté je me suis penché sur le cas Strigoï et Romain sur le cas d’Agora.

Strigoi de Faye Jackson par Richard Bourderionnet.


Soyons honnête « Strigoï » n'aurait jamais dû passer en deuxième partie de soirée, vu dans d'autres heures mon jugement aurait pu être plus indulgent, mais à l'état j'ai souvent piqué du nez dans cette histoire se situant dans un petit village de Roumanie dans lequel il pourrait se cacher quelques vampires roumains. Sélectionné dans la catégorie « compétition international », Strigoï, parle beaucoup, beaucoup trop, et n'offre aucun suspens réel, on attends juste que le film se déroule en espérant qu'il se termine vite, très vite. Cependant tout n'est pas ici noir, certains dialogues amuses et le portrait de ses villageois un peu « spéciaux » dégage un peu de charme... mais bon pour ma part ce film sera oublié d'ici peu.

 



Agora de Alejandro Amenàbar de Romain Basset.

Alors oui, j’avais raté le film en salle. Volontairement. La bande annonce me semblait un brin racoleuse (sisi !) et, de par ma nature anti-sandalettes poussiéreuses doublée de mon rejet global des films à propos théologiques, j’avais dû lui préférer le teenage movie ricain débile de l’époque. 

J’y suis donc allé hier pour les mêmes (mauvaises) raisons que celles évoquées dans le compte rendu d’hier : Ecran géant, ciel étoilé et binouzes. Eh oui, le film était diffusé en Open Air… Et bien m’en a pris ! Véritable fresque mettant l’homme face à ses croyances (la religion donc, mais également la science), Agora dresse avec subtilité et une émotion de chaque instant (une histoire d’amour avortée étant à la base des différents axes dramatiques du film), les balbutiements d’une civilisation à la recherche de sa vérité. Amenabar joue avec les échelles (c’est peu dire) et met en parallèle, via de lents plans séquences partant de l’espace, l’organisation du cosmos, sereine, « parfaite », avec l’anarchie régnant à Alexandrie. Ce relativisme remet immédiatement l’homme à sa place, soulignant sa petitesse dans tous les sens.  Un homme qui fera bientôt de la quête de la vérité l’excuse idéale pour rechercher le pouvoir… Et c’est là une représentation tout à fait pertinente de l’idée même de Religion (d’autant plus intéressante qu’elle sert de faux analogue à celle de Science) : que la Terre décrive un cercle ou une ellipse autour du soleil, une chose est sûre, l’homme lui restera définitivement homo-centrique.

 

*Agora est disponible en France en DVD et Blu-Ray depuis la fin juin.

Compte rendu de Richard Bourderionnet et Romain Basset.

Auteur : Richard B.
Publié le mardi 6 juillet 2010 à 12h20

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