Entretien avec Damien Coltice
Responsable de la gamme française d'Earthdawn

Sorti le mois dernier à l'occasion du Monde du Jeu, Le Recueil du Joueur de Earthdawn est le premier ouvrage de la nouvelle gamme française de ce jeu devenu mythique. Après l'édition Descartes, voici l'édition Black Book, supervisée par Damien Coltice, fan de la première heure et responsable de cette nouvelle gamme. Ce dernier a accepté de répondre à quelques unes de nos questions.

 

Vincent L : Pour commencer, peux-tu te présenter et nous dire quel a été ton rôle sur la gamme Earthdawn ?

Damien Coltice : Alors je suis Damien Coltice, et mon rôle est plus ou moins celui de responsable de la gamme. J'ai traduit une partie des textes du Recueil du joueur, relus l'intégralité de l'ouvrage pour des questions d'harmonisation et de cohérence. Je me charge aussi de la mise en page quand c'est nécessaire et m'occupe des relations avec l'éditeur anglophone Redbrick Limited.


Vincent L : Pour un public de néophyte, comment décrirais-tu le monde d'Earthdawn ?

Damien Coltice : Plus j'en parle et plus je m'aperçois qu'il y a deux manières de présenter Earthdawn. La première consiste à raconter la chronologie du jeu et la seconde à raconter comment à été conçu le jeu.

Pour la chronologie, en gros, la magie de notre monde est fluctuante et suit un cycle. Quand la magie est puissante, on peut l'utiliser (c'est le principe de Shadowrun, où le cycle de magie remonte dans un futur cyberpunk) mais apparaissent aussi des entités astrales dangereuses et incontrôlables, les Horreurs, capables au plus haut du cycle de magie de détruire le monde. Earthdawn se passe dans notre passé (c'est un jeu médiéval-fantastique), peu après que le cycle de magie soit redescendu et que le monde ait été ravagé par les Horreurs. Les peuples se sont réfugiés dans des refuges souterrains pendant plusieurs siècles et reconquérissent un monde en reconstruction. Les nations du passés qui ont survécu au Châtiment infligé par les Horreur refont surface dans un monde nouveau.

La seconde manière de présenter Earthdawn est très intéressante aussi, elle s'adresse plus au rôliste et permet d'entrevoir beaucoup plus facilement les particularités de ce qui est considéré par beaucoup comme l'un des tous meilleurs jeux de rôle médiéval-fantastique jamais publiés. En effet, à l'origine, le principe de conception de Earthdawn a été d'offrir un monde médiéval-fantastique classique, à la Donjons & Dragons, mais où chaque élément, chaque poncif du genre (donjon, monstres, magie, elfes, etc.) est doté d'une véritable raison d'être et d'une histoire. Dans Earthdawn, chaque chose est propice à une histoire, du moindre objet magique à la moindre créature. Ainsi, dans D&D, les personnages arpentent d'innombrables donjons, ce qui n'est pas toujours très réaliste vis à vis de l'univers proposé. Dans Earthdawn, les "donjons" sont les kaers, ces refuges souterrains que les peuples ont construit avant le Châtiment pour se protéger des Horreurs (parfois efficacement, parfois non). Ils ont donc une raison d'être là et une histoire propre. Chaque élément à sa justification, cohérente vis-à-vis du reste du monde, mais tous les poncifs du genre sont présents pour ne pas dérouter le néophyte, cette base commune permettant de découvrir le monde en douceur, sans avoir à lire des tonnes de matériel de background. Par contre, plus on approfondit, plus le jeu se démarque des autres jeux par sa qualité et sa logique.


Vincent L : Earthdawn est-il vraiment le passé de Shadowrun, ou est-ce simplement une manière de parler ?

Damien Coltice : Oui, vraiment. Le "vrai" passé. Ce n'est pas juste une astuce marketing, mais bien un concept passionnant que les auteurs ont utilisé de manière à donner une profondeur et un écho unique à Shadowrun et Earthdawn. Découvrir les nombreux paralèlles entre ces deux mondes (Earthdawn étant appelé le 4ème monde et Shadowrun le 6ème) est une expérience unique en son genre. Jouer en "crossover" (sur les deux univers avec les mêmes joueurs) est le but ultime de tous les fans de ces deux jeux. Un petit exemple de tout cela est par exemple que certains personnages mythique de Earthdawn sont encore vivants dans Shadowrun et que certains artfacts magiques sont présents dans les deux jeux. Ceux qui suivront la gamme Shadowrun Vintage (qui vient de commencer avec la parution de Harlequin) pourront enfin découvrir une bonne partie des suppléments mythiques faisant référence à cet aspect. Je pense notamment au supplément Aztlan, par exemple...

Vincent L : Earthdawn fonctionne avec quel type de système de jeu ?

Damien Coltice : La base du système de jeu de Earthdawn est simple et héroïque. Mais c'est un système fait pour les joueurs qui aiment le hasard et le fait de lancer des dés. Chaque attribut et capacité (que ça soit un talent magique ou une compétence) possède un niveau. A ce niveau correspond un nombre de dés à lancer. Un personnage qui possède un niveau de 7 dans un talent lancera 1D12, un niveau de 8 2D6 et un niveau de 16 D20+D6. Tous les types de dés sont utilisés, du d4 au d20. On additionne le résultat des dés et on essaie de battre une difficulté (qui peut être un score de défense de l'adversaire ou une difficulté fixe déterminée par le maître de jeu). Le côté héroïque provient du fait que chaque résultat maximum sur un dé est relancé et additionné. Tous les jets sont donc "ouverts", ce qui permet de réaliser des exploits incroyables, même dans les situations les plus difficiles. Ensuite, il y a une foultitude de règles optionnels et de pouvoirs qui viennent se greffer là-dessus. C'est un système complet, comme ShadowrunD&D ou Warhammer. Au niveau du combat, on reste dans un shémas classique avec des points de vie, auquel s'ajoute un système de blessures, qui réduit les capacités du personnage et l'empêche de guérir facilement des dommages subits. En fait, la plus grosse particularité du système est que chaque élément du jeu s'intègre pleinement à l'univers de jeu. La magie en est le meilleur exemple. Mais je laisse les gens découvrir cet aspect, certainement un peu long à expliquer ici !


Vincent L : Pourquoi Black Book Editions a t-il choisi de traduire et d'éditer ce jeu que l'on peut encore trouver sur le marché de l'occasion ? Peux-tu nous dire quelles sont les nouveautés et les différences par rapport à l'édition qu'avait sorti Jeux Descartes ?

Damien Coltice : Tout d'abord parce que l'édition de Jeux Descartes était de piètre qualité (problèmes de glossaire, mauvaises traductions dues à une mauvaise compréhension des règles, mauvais choix dans les suppléments traduits, etc.), ensuite parce que l'édition classique, outre l'aspect compilation pratique indéniable (500 pages pour chacun des deux premiers volumes), comporte de nombreux passages inédits en VF (notamment la description de toutes les disciplines, un must pour tous les joueurs qui veulent saisir l'ambiance unique du jeu) et qu'elle a été entièrement révisée par l'équipe de Redbrick. Le jeu est toujours le même, mais toute la mécanique a été débugguée et tous les textes de règles ont été clarifiés, choses dont le jeu avait vraiment besoin. Les changements sont extrêmements bénéfiques et justifient à eux seuls l'achat de cette nouvelle édition (je vous invite à lire les critiques des fans à ce sujet sur des sites comme le Grog).


Vincent L : Earthdawn VF est-il identique à la version originale, ou y a t-il des spécificités françaises dedans ?

Damien Coltice : Oui, Le Recueil du joueur est identique au Player's Compendium édité par Redbrick. Il n'y a aucun ajout si ce n'est un encart dans le chapitre sur la chronologie du monde pour avertir les joueurs que la fin du chapitre dévoile les évènements décrits dans le supplément Prelude to war, inédit en français et que nous traduirons prochainement.

Vincent L : Que trouve t-on dans Le Recueil du joueur ?

Damien Coltice : Dans Le Recueil du joueur, les joueurs trouveront toutes les règles de jeu (y compris de nombreuses règles, optionnelles ou non, qui ont été développé au fur et à mesure de la gamme pour la première édition), le background essentiel (la chronologie, un tour d'horizon de Barsaive et la description des disciplines et de la magie), des tonnes d'équipement, tous les sorts et tous les talents du cercle 1 eu cercle 15 (le maximum permis par le jeu). Les 500 pages sont véritablement remplies à ras bord... et ce fut d'ailleurs un travail titanesque au niveau de la traduction !


Vincent L :
Que trouve t-on dans Le recueil du maître de jeu ?

Damien Coltice : Dans Le Recueil du maître de jeu, qui sera disponible dans un peu plus d'un mois, le MJ trouvera toutes les informations concernant le background du jeu et les chapitres de conseil de maîtrise. Quelques passages de règles (sur les pièges, l'environnement, etc.) s'ajoutent à tout ce qui concerne la magie d'invocation, du sang et aux objets magiques, qu'ils soient basiques ou légendaires (dans Earthdawn, les objets magiques ont un nom et une histoire et découvrir ces éléments permet de libérer peu à peu tous leurs pouvoirs). Le livre s'achève sur une gigantesque bestiaire (comprenant énormément de background, comme toujours avec ce jeu) composé de créatures naturelles ou magiques, d'esprits de toute sorte, de toutes les Horreurs publiées pour le jeu, de leurs rejetons, de tous les dragons et, cerise sur le gâteau, de représentant de chaque discipline au cercle 2, 3, 5, 7, 9 et 12, pour faciliter le travail du MJ ! Bref, de quoi jouer des siècles !


Vincent L :
En cas de succès, comment envisages-tu le futur de la gamme ?

Damien Coltice : La traduction du Recueil des donneurs-de-noms (un supplément décrivant en détail toutes les races du jeu et de nouvelles disciplines "raciales", inédit en français) est déjà pratiquement terminée. Suivront La Revanche d'Ardanyan (une campagne inédite en français permettant de commencer avec des joueurs qui ne connaissent pas du tout Earthdawn, puisque les personnages peuvent être issus directement d'un kaer qui ne sait pas encore que le Châtiment est terminé) et certainement Nations de Barsaive volume 1 (sur le royaume nain de Throal et le fleuve Serpent, deux musts inédits en français là aussi). Nous avons aussi annoncé la publication de Prelude to war, un ouvrage mythique de la première édition du jeu que Jeux Descartes avait snobé de manière incompréhensible par le passé et dont les répercussions sur l'univers sont prises en compte dans le Recueil du maître de jeu et l'édition de Redbrick. Il est donc était impensable pour nous de ne pas le traduire. J'en profite pour remercier Redbrick Limited, qui a su trouver les mots pour convaincre le détenteur de la licence de nous laisser éditer un ouvrage de la première édition !

Le Recueil du joueur sort aussi accompagné d'un Dossier de personnage (comme pour Polaris et bientôt pour Pavillon Noir), une feuille de personnage ultra complète de 16 pages pour tous ceux qui jouent en campagne, et qui a la particularité de proposer un rabat sur lequel apparaît la table la plus utile du jeu (celle des dés d'action), rabat qui permet, où que vous vous trouviez dans le livret, d'avoir toujours à portée d'yeux la table en question ! Tout le monde à BBE se moque de moi car ce rabat est vraiment un truc de geek ultime, mais j'assume, je suis un énorme fan de Earthdawn et j'espère que les fans apprécieront autant que moi ce genre de détail.

Vincent L : Est-il envisagé de faire des créations française pour Earthdawn, ou cela se limitera t-il à de la traduction ?

Damien Coltice : Non. Contrairement à Shadowrun, il n'y a pas vraiment de contexte "franco-français" à développer dans Earthdawn. Earthdawn est un jeu d'une qualité incroyable doté d'une gamme vaste dont l'essentiel n'a jamais été traduit en français. Donc la matière ne manque pas. Et puis, il faut savoir être modeste face à la qualité de cette gamme.


Vincent L :
Quel format est prévu pour les futurs suppléments ?

Damien Coltice : Les suppléments seront en noir et blanc, comme la VO, avec une couverture rigide. Il n'y aura pas de module (les Shards, s'ils sont traduits, le seront sous forme de compilation).


Vincent L : Black Book vient d'annoncer qu'après les romans Polaris, il éditerait les romans Earthdawn. Est ce qu'il s'agira de créations françaises ou de traductions ?

Damien Coltice : Il s'agira uniquement de traduction des romans inédits (les nouveaux romans publiés chez Redbrick) ainsi que de réédition de romans publiés à l'époque par Fleuve noir (les rééditions des meilleurs romans de la gamme publiée à l'époque par Fasa). Certains lecteurs des romans Fleuve noir le savent, les traductions faite par cet éditeur étaient pour le moins problématiques car ils coupaient purement et simplement plus d'un tiers de l'ouvrage (pour réduire les couts de traduction certainement). De plus, les glossaires n'étaient par harmonisés avec ceux du jeu de rôle. Bref, pour les rééditions, nous nous engageons à traduire l'ensemble du texte et à utiliser le même glossaire que dans le jeu de rôle, pour que les fans n'aient pas le sentiment de faire le grand écart entre les romans et le jeu.

Vincent L : Combien de romans est-il prévu de traduire ?

Damien Coltice : Il a trois romans en préparation pour le moment (deux romans inédits sur Cathay et une réédition du très bon Cicatrices), mais Redbrick en prépare de nouveaux (réédition et nouveauté), donc potentiellement, ces romans formeront une vraie série dédiée à Earthdawn.


Vincent L : Quel rythme de parution est envisagé ?

Damien Coltice : Environs un roman tous les deux ou trois mois.


Vincent L : Peux-tu nous parler du premier tome à sortir, Les Ombres noires du passé ?

Damien Coltice : En fait, les deux premiers romans que nous allons sortir, Les Ombres noires du passé et Le Crépuscule sans fin, se suivent et se passent tous les deux dans un cadre qui n'a pas encore été exploré dans le jeu de rôle, à savoir l'empire du Cathay (dont le territoire correspond à celui de la Chine). Il s'agira donc d'un dépaysement complet, quoi que le héros, fort heureusement, est issu de Barsaive (la province le plus exploitée dans le jeu). Tout au long du roman, on suit le voyage de ce Barsaivien, un anti-héros (ce n'est pas un adepte et c'est un marchand en quête de rédemption) et de ses compagnons de route fortuits (une Fille du ciel et un obsidien de jade). En prime quelques mini-spoiler en rapport avec le gamme générale de Earthdawn sont révélés (la Tour des secrets par exemple). Bref, de quoi étendre sa connaissance de l'univers et profiter d'un récit agréable dans notre univers préféré. Les Ombres noires du passé sortira en novembre vraisemblablement et sa suite début 2010.


Vincent L : Merci beaucoup.

 

 

 

Pour en savoir plus :

Le site officiel de Black Book Edition

Le forum de Black Book Edition

La fiche SFU de Earthdawn
Auteur : Vincent L.
Publié le mercredi 28 octobre 2009 à 08h00

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    superbe les illustrations.
    Merci pour ce reportage que j'ai découvert avec passion
    jauzenque, le 1er novembre 2009 18h59
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    J'ajoute que le SDEN-Earthdawn est aussi une référence en terme d'aides de jeux en VF pour Earthdawn :
    http://www.sden.org/jdr/earthdawn/
    Fred le troll grognon, le 7 décembre 2009 19h09

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