Evènement 2006 : la résurrection de Cyberstratège
SFU a rencontré Théophile Monnier, son rédacteur en chef
En me baladant dans les couloirs de la Gen Con Paris 2006, j’ai eu la chance de rencontrer sur le stand de Mana Rouge une vieille connaissance ; Théophile Monnier. Véritable personnalité du wargame hexagonal, Théophile est plus en forme que jamais, et pour cause, car il est en pleine promotion de son nouveau bébé, Cyberstratège. Alors que le numéro 2 est actuellement dans les kiosques, il m’a semblé opportun de questionner ce dynamique journaliste sur des sujets qui lui tiennent vraiment à cœur ; les jeux de Stratégie informatiques et le monde ludique en général. Et comme vous allez pouvoir le constater, Théophile a gardé intact son enthousiasme passionnel.
Bastable : Bonjour Théophile Monnier, vous êtes rédacteur en chef de Cyber Stratege, ce magazine bien connu dans le monde des wargamers. Pourquoi avoir initié la renaissance de ce bimestriel mythique en ce début de l’année 2006 ?
T. Monnier : Cyberstratège avait été édité une première fois de 1997 à 2000, ce qui remonte quand même à loin, mais il avait laissé un souvenir impérissable à tous le amateurs de stratégie PC, car c’était à ma connaissance le premier magazine à réellement s’intéresser à ce type de jeux et à leur être entièrement consacré. L’engouement pour Cyber pouvait être comparé à celui pour le vieux Jeux & Stratégie ou pour Vae Victis, car c’était pour beaucoup de lecteurs la découverte d’un univers ludique en pleine explosion.
Cinq ans plus tard donc, j’ai eu l’opportunité professionnelle de relancer ce titre, et je dois dire que c’est une chance inouïe, car cela me permet d’abord de continuer à travailler à la fois dans le monde de la presse mais aussi celui du jeu, ce qui permet de combiner deux passions ! Pour faire simple, l’éditeur Histoire & Collections, qui éditait Cyber 1re formule, avait conservé ce titre en sommeil, et il était tentant de le relancer, ce qui a été fait dans le cadre d’une structure indépendante, basée dans le sud de la France où je réside. Il fallait juste se rappeler au bon souvenir de tous les fans, ce qui s’est fait sans mal car Cyber avait vraiment une excellente image et beaucoup pensait qu’il était irremplaçable !
Bastable : Il y a quelques années, Cyber Stratege s’arrêtait après une glorieuse carrière. Il fut remplacé par PC 4 War qui existe encore de nos jours. Pensez-vous qu’il y ait la place pour deux magazines dédiés à la stratégie informatique sur le marché français ?
T. Monnier : Ayant été à l’origine de ces deux magazines, il m’est difficile de dire le contraire, car j’ai eu à cœur de développer ces deux projets, chacun en leur temps. Il faut rappeler que Cyberstratège s’est arrêté parce que j’ai quitté Histoire & Collection en 2000 pour des raisons personnelles, mais le mag était viable et aurait pu connaître une longue carrière, à l’image de son équivalent sur le jeu d’histoire Vae Victis.
Pour ce qui est de la viabilité des deux titres, PC4War semble avoir pris depuis mon départ une orientation plus grand public, alors que nous avons clairement axé Cyberstratège comme le magazine de référence des jeux de stratégie pur et dur (ce qui n’exclut pas les jeux en temps réel de qualité !), les deux titres cohabiteront donc probablement, mais on verra comment évolue chacun dans la durée. Nos premiers résultats et les réactions enthousiastes des fans de jeux de stratégie nous laissent à penser que Cyber est revenu pour longtemps…
Bastable : A quel type de public s’adresse Cyber Stratège ? Allez vous vous recadrer sur les nouvelles tendances, comme le jeu massivement online, et vous éloigner un peu des wargames informatiques élitistes de HPS ou Matrix Games ?
T. Monnier : J’étais toujours été opposé à enfermer certains types de jeu dans des ghettos, et les wargames en premier lieu. Aujourd’hui, les lecteurs de Cyber peuvent à la fois pratiquer des wargames d’inspiration traditionnelle, avec hexagones et système tour par tour, et des jeux reposant sur de nouveaux mécanismes (temps réel, stratégie en temps continu, jeu en ligne) ou des univers fantastiques. Surtout, je constate que les jeux récents intègrent avec de plus en plus de facilité de nouvelles technologies et horizons ludiques : jeux en réseau et en ligne à plusieurs, système de classement, éditeur de scénarios et campagnes, etc. Pour définir notre ligne rédactionnelle, Cyber est avant tout consacré à des jeux de stratégie « intelligents » et qui permette de réellement mettre en place des stratégies, et favorise la réflexion et la simulation, plus que la rapidité, la richesse graphique ou l’action. Quant au thème, nous sommes évidement attachés avant tout aux jeux à thème historique, mais Cyber nouvelle formule, comme l’ancien, explore avec jubilation tous les univers : sciences-fiction, post-apocalyptique, heroic-fantasy, etc. La raison d’être du mag est avant tout le plaisir du jeu et l’envie de partager nos passions.
Bastable : Comment est structuré Cyber Stratège ? Respecte t’il les codes de l’ancienne formule avec une préférence sur les test poussés et les analyses pointues ?
T. Monnier : Les lecteurs de l’ancienne formule retrouveront les mêmes types d’articles qui ont fait notre réputation : - des tests pointus et très argumentés, rédigés par des experts qui mouillent la chemise, ce qui reste rare dans l’univers des jeux vidéo ; - un suivi de l’actu sans équivalent, grâce à nos excellentes relations avec tous les éditeurs et notre implication ancienne dans l’univers de la stratégie. A ce niveau, nous ne craignons pas la concurrence d’Internet, car malgré le décalage imposé par une sortie en kiosque, nous somme souvent mieux renseignés que les sites de jeu et nous offrons une qualité d’info exceptionnelle ; - et surtout, nos fameuses analyses stratégiques, absolument unique au monde et qui font l’objet d’un travail de titan, appuyé sur une culture stratégique et ludique qui plonge dans de profondes racines de wargamers… J’ai eu la chance de commencer dans cet univers il y a plus de quinze ans avec un fanzine consacré à ASL, et avec l’équipe de pigistes de Cyber, dont la plupart travaillent avec moi depuis une dizaine d’années, nous totalisons un savoir-faire extraordinaire ! Cela étant, Cyber nouvelle formule s’adapte à son temps, et nous proposons de nouvelles rubrique, sur les jeu de plateaux et les jeux en ligne par exemple, mais nous avons aussi ouvert nos pages aux Tactical-RPG (jeu de rôle tactique), un genre très pratiqué sur console et qui mérite d’être abordé avec un regard plus « stratégique ».
Bastable : Comment voyez vous l’avenir du jeu de stratégie, informatique, bien entendu, mais également le wargame papier et le wargame à figurines ? Pensez-vous que la solution viendra de jeux grand public comme Memoir’ 44 ou Warhammer 40K ?
T. Monnier : L’évolution des jeux de stratégie informatique est époustouflante depuis quelques années, tout d’abord parce que ces types de jeux suivent la tendance générale de l’informatisation du public, mais il y a aussi un double phénomène qui dynamise ce marché : tout d’abord une nouvelle génération de produits réalisés par les grands éditeurs et qui propose depuis quelques années des jeux de qualité soutenus par de gros moyens marketing (je pense à Age ou Blitzkrieg par exemple évidement, mais aussi Europa ou Hearts of Iron) et qui offrent d’excellentes plate-formes pour ramener de nouveaux joueurs, dont une partie passe alors vers des produits à plus forte « densité » stratégique. Ensuite, les jeux de stratégie plus classiques (wargames essentiellement) bénéficient depuis deux ans de la forte croissance de la vente délocalisée (vente par internet ou même téléchargement direct) qui permet de toucher sans mal une population internationale, et offre à de petits éditeurs de vivre convenablement avec des produits plus complexes ou confidentiels, ce qui n’était pas possible dans les circuits de distribution classiques. La tendance qui est le plus marquante actuellement est toutefois l’accélération technologique des logiciels, qu’elle soit graphique ou en terme de communication entre support (c’est-à-dire le jeu en réseau, sur console ou PC). On se rend mal compte de l’amélioration extraordinaire des graphismes et des interfaces en à peine trois ans, ce qui ne peut qu’inciter encore plus de gens à pratiquer les jeux vidéos… mais cela fait bien sûr en premier le jeu, si j’ose dire, des fabricant d’ordinateurs et de composants, qui parviennent à imposer un renouvellement des parcs à cycle rapide.. Les joueurs sont un peu prisonniers de ce système, et il faut faire la part des choses entre qualité graphique et réelle qualité ludique, nous sommes vigilants là-dessus dans Cyber et nous mettons surtout en avant la prise en main et les qualités stratégiques réelles d’un produit, plutôt que l’esbroufe. Maintenant, un beau jeu de stratégie, c’est mieux que le même en pas beau !
Pour ce qui est de l’évolution des wargames plus traditionnels, j’ai effectivement remarqué comme vous le mélange harmonieux des genres à la Gen Con, entre jeux de rôle, jeu de carte, jeu avec fig, etc. La culture ludique et les envies des joueurs actuels sont extrêmement plus développées, et de plus, les joueurs d’il y a dix ans ont vieilli… mais continuent à jouer, et de nouvelles générations encore plus dynamiques et exigeantes arrivent derrière. Pour moi, la qualité première d’un jeu, quels que soient son type ou son support (PC, table, figurines, etc.), c’est des mécanismes de jeu dynamique et fun mais aussi, et peut être surtout, la qualité des composants, en terme de matière, d’univers et de « prise en main ». Pouvoir faire du jeu de plateau en 3D par exemple, ça c’est bien ! Et malgré l’absence des wargames à la Gen Con, ce qui est assez lamentable au passage, c’est également en proposant ce genre d’approche que les jeux d’histoire se développeront. Mais pour un vieux wargamer comme moi, le plaisir d’une partie d’Advanced Squad Leader, avec ses tonnes de petits pions, reste unique… mais on rencontre de grandes sensations stratégiques dans les jeux PC, comme lors de parties à quinze en réseau sur des jeux de stratégie ambitieux et sophistiqués comme Civ 4 ou Dominions II, ou avec des produits comme Combat Mission, pour revenir sur les jeux à l’échelle tactique !
Publié le jeudi 27 avril 2006 à 00h18
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