Akira, le phénomène
30 ans et des poussières !
Oui c’est encore un article coup de vieux, d’autant plus que je l’ai aussi vu sur grand écran et que j’en suis sortie bouleversée. Sorti au Japon en 1988, en Occident en 1991, ce long métrage d’animation prouva définitivement les spectateurs que les dessins animés n’étaient pas synonymes que mièvrerie ou enfantillage. Ce fut l’expérience cinématographique la plus cool, la plus étrange, la déroutante jamais vécue.
Complexe, violent, corrosif, époustouflant et exigeant, Akira est l’anime qui a lancé le ‘cool Japan’ face aux japoniaiseries méprisés par les médias européens (on en parle dans notre article sur Goldorak). Une sorte de Disney sous acide, corrompu et psychotique ! Mais Akira fut d’abord un manga d’environ 2 000 pages écrits par Katsuhiro Otomo entre 1982 et 1990. Il est plus dense et laisse plus de place au personnage d'Akira himself.
Akira est un récit riche aux multiples facettes :
-les courses poursuites à moto d’un film d’action
-la société cyberpunk d’un film de science-fiction
-les drames d’une relation entre deux amis d’enfance
-la rébellion violente adolescente
-l’horreur des mutations biochimiques
-un final apocalyptique impressionnant
Ce long métrage viscéral était extrêmement ambitieux remarquable par sa réussite technique, du design futuriste abouti aux effets dolby percutants de la bande-son qui ne peut laisser indifférent.
Neo-Tokyo va exploser
Le 16 juillet 1988 (C’est également le jour de sortie du film au Japon), Tokyo est détruite dans une immense explosion et la troisième Guerre Mondiale a lieu. En 2019 (Akira c’est maintenant les gars !), Neo-Tokyo, reconstruite, se prépare à accueillir les JO l’année suivante. Mais la ville a son lot de problèmes : protestations, activités terroristes, politiciens corrompus, grandes corporations, gangs (dont les Capsules avec Kaneda, et les Clowns)… Un accident va bouleverser la vie de Tetsuo l’ami d’enfance de Kaneda… Tetsuo est d’ailleurs un personnage passionnant. Akira incarne l’état d’esprit cyberpunk avec ses gangs de motards sillonnant la mégalopole. La séquence d’ouverture de l’anime présente d’ailleurs la plupart de ces thèmes dans une scène d’action survitaminée. Katsuhiro Otomo écrit à l’époque où le cyberpunk est tendance : William Gibson dont le roman Neuromancien se déroulait au Japon connait un grand succès et Blade Runner est réalisé l’année où Katsuhiro Otomo commence Akira. Cette œuvre en dit beaucoup sur l’époque où elle a été écrite. Ce film réfléchit sur la relation du Japon à son passé, à la reconstruction, à l’occupation et aux moments difficiles que la nation a vécu. Traumatismes qui marquent l’œuvre d’Otomo.
Superpouvoirs
Dans Akira, les pouvoirs paranormaux (psychokinétiques, hallucinations, clairvoyance…) sont le résultat d’expérimentations scientifiques ayant mal tournées. Et très vite la bascule vers l’horreur se fait, nous sommes loin des superpouvoirs Marvel like. La transformation que subit Tetsuo fait alors penser aux effets des radiations et aux atroces mutations liées. La peur des radiations est un thème récurrent du cinéma japonais d’une part à cause des deux bombardements atomiques mais également suite à l’incident de l’atoll de Bikini dans les années 50. Cette fascination traumatique a d’ailleurs donné naissance entre autres à Gojira (Godzilla).
De l’influence d’Akira
Katsuhiro Otomo a affirmé avoir été influencé par Moebius d’où une œuvre visuellement complexe avec de vastes perspectives exagérées, des horizons futuristes et des personnages réalistes. Fan de cinéma hollywoodien, il cite aussi trois films comme l’ayant vraiment marqué : Bonnie and Clyde (1967), Easy Rider (1969), Butch Cassidy and the Kid (1969). En effet, les personnages de ces films sont des hors-la-loi dans une société qui ne les satisfait pas, des rebelles charismatiques qui renvoient une image fantasmée de la liberté.
Mais il a lui-même à son tour influencé des générations d’artistes japonais même si après la sortie d’Akira en plein miracle économique japonais, les moyens financiers de ses successeurs ne seront plus les mêmes. Le plus remarquables des héritiers d’Akira est Ghost in the shell (Kokaku Kidotai, 1995), thriller cyberpunk méditatif très proche du film noir, adapté du manga de Masamune Shirow et réalisé par Mamoru Oshii. On y parle aussi de surhumain mais cette fois par les augmentations. La thématique de l’intelligence artificielle très classique en cyberpunk est de plus très mise en avant. Peut-être plus avant-gardiste, Serial Experiments Lain (1998) aborde la virtualité et le cyberespace. Enfin, Paprika (2006) adapté du roman de Yasutaka Tsutsui et réalisé par Satoshi Kon dépeint une technologie qui permet de visualiser les rêves des gens.
En Occident, beaucoup de réalisateurs ont souligné à quel point cet anime les avait inspirés : Akira a nourri l’univers de Matrix (1999) des Wachowski dont on vous a parlé récemment ici même si son intrigue est plus proche d’un Ghost in the shell. Dark City (1998) d’Alex Proyas, Chronicle (2012) de Josh Trank sont directement influencés par le chef d’œuvre d’Otomo.
Au passage, Hollywood débute la production d'une version live sous l'égide de Leonardo Di Caprio. Le tournage devrait durer 70 jours et coûter plus de 100 millions. Le succès en salle d'Alita (Gunnm) n'y est pas pour rien
Pour une analyse poussée de l’intrigue d’Akira, des personnages, des secrets de production entre autres, procurez l’excellent ouvrage du British Film Institute (BFI), traduit en français par les éditions Akileos de Michelle le Blanc et Colin Odell :
Publié le lundi 8 avril 2019 à 00h00
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