C'est quoi ce truc ? Carnage/The Burning
Quand Miramax plagiait Vendredi 13...
C’est quoi ce truc ? est une petite rubrique apériodique (n’attendez donc pas le prochain article avec impatience) qui met en lumière quelques films méconnus. Nanars, séries B ou chef d’œuvre inconnus, nous vous présentons ici une sélection de longs-métrages sélectionnés avec amour !
Ça parle de quoi ce truc ?
Au cours d’une colonie de vacances, une bande de jeunes d’une vingtaine d’années décide de faire une blague à Cropsy, leur moniteur quinquagénaire. Ils installent donc un faux crâne avec des bougies à côté de son lit, pour qu'il ait peur en se réveillant. Malheureusement, la farce tourne mal. Cropsy panique et renverse le crâne enflammé… Comme il dort visiblement dans la réserve d’essence et que tout semble imbibé d’une substance fortement inflammable, le cabanon s’embrase et le moniteur est brûlé vif. Mais il survit à ce dramatique "accident".
Cinq ans plus tard, en sortant de l’hôpital, il décide de retourner à la colo pour se venger. Pas de ceux qui l’ont brûlé, non, ce serait trop compliqué. Il va juste tuer ceux qui seront là…
Ça, c'est le faux crane fabriqué par des enfants pour faire peur au moniteur. Stylé non ?
C’est pas un plagiat ce truc ?
Nous sommes en 1981. Halloween, la nuit des masques a fait un carton commercial il y a seulement trois ans et son premier clone, Vendredi 13 a fait son petit effet au box office l’année passée. Halloween, la nuit des masques avait rapporté 215 fois sa mise initiale, quant à Vendredi 13, l’investissement fut de 72$ récoltés pour 1$ investi. Le slasher — relativement nouveau à l’époque — a donc quelques qualités économiques : une trame scénaristique invariante (pas besoin d’aller chercher un "vrai" scénariste), des décors minimalistes (pas besoin d’aller chercher une "vraie" équipe technique) et des comédiens ne servant qu’à se mettre à poil et à se faire zigouiller (pas besoin d’aller chercher de "vrais" acteurs). Nombre de producteurs opportunistes commencèrent alors à exploiter le filon. Nous sommes en 1981, et ce n'est que le tout début de l’ère des slashers.
Alors Carnage peut-il être considéré comme un plagiat ? Étant donné que tous les slashers de l’époque dupliquent grosso-modo la même trame scénaristique, on pourrait être tenté de dire « non, pas spécialement ». Ceci dit, là, il faut quand même bien avouer que ça copie vachement Vendredi 13 : un camp en forêt, des moniteurs, un fait divers sordide, un tueur redoutable,… Sur le papier, il y vraiment beaucoup, mais alors vraiment beaucoup, de points communs. Et visuellement, quand on regarde Carnage, on se rend bien compte que ça pille à mort le travail de Sean S. Cunningham sur Vendredi 13. Alors, au final, malgré une différence notable dans la structure du scénario — Vendredi 13 était un whodunit, c’est à dire qu’il fallait essayer d’y deviner l’identité du tueur alors que Carnage nous dit dès le début qui il est — on peut légitimement conclure que oui, Carnage est bien un plagiat.
Et on peut aussi dire aussi qu’on s’en fout complètement. C’est une spécificité du slasher : on n’est pas là pour le scénario, le jeu des acteurs ou la flamboyance des décors, on veut juste que ça dézingue dans tous les sens ! Tous les slashers se sont allègrement copiés les uns les autres pendant les années 80. On le savait, mais ça ne nous empêchait pas de kiffer quand même.
Mais qui a fait ce truc ?
Carnage est l’un des premiers films de Miramax. Et oui ! Au générique, Harvey Weinstein est crédité pour l’histoire et Bob Weinstein l’est pour le scénario. Harvey Weinstein a d'ailleurs toujours clamé qu’il avait eu l’idée de ce script avant la sortie de Vendredi 13. Enfin, il a dit beaucoup de choses dans sa vie…
Devant la caméra, on retrouve plein d’acteurs débutants. Comme d’habitude dans les slashers des années 80, c’est toujours rigolo de voir débuter de futures stars (rappelons que Halloween, la nuit des masques, Vendredi 13 et Les griffes de la nuit ont vu les premères apparitions de Jamie Lee Curtis, Kevin Bacon et Johnny Depp). Ici, dans les visages connus, on peut repérer Holly Hunter (qui décrochera un prix d’interprétation à Cannes et un oscar pour La leçon de piano en 1993), Fisher Stevens (Demain à la une) ou Jason Alexander (Seinfeld).
Dans l’équipe technique, on notera la présence aux effets spéciaux de Tom Savini (LE spécialiste du gore à qui l’on doit des réussites aussi diverses que Maniac, Zombie ou Vendredi 13) et au montage de Jack Sholder, futur réalisateur de Hidden (à qui on consacrera peut-être bien un C’est quoi ce truc ?).
Et enfin, la mise en scène est assurée par Tony Maylam. Ce nom ne vous dit rien ? C’est normal. Maylam a en effet principalement travaillé dans le documentaire, et ces quelques films cinéma n’ont rien de vraiment mémorable (même si Killer instinct avec Rutger Hauer est plutôt sympatoche).
Et ça a marché ce truc ?
Pour la petite histoire, Carnage est sorti seulement huit jours après Le tueur du vendredi, la suite officielle de Vendredi 13. Le tueur du vendredi a rapporté 21 fois sa mise. Carnage a quant à lui été un bon gros bide commercial : 800 000$ de recettes pour un budget de 1,5 millions de dollars. Ceci explique pourquoi il n’y a jamais eu de suite, et probablement pourquoi vous n’en aviez jamais entendu parler…
Mais c’est bien ce truc ?
Et bien assez étonnamment, Carnage est l’un des meilleurs clones de Vendredi 13 qui ait été fait. Et en toute honnêteté, le fan absolu de Vendredi 13 qui se cache en moi doit bien reconnaître que Carnage est peut-être même supérieur à son modèle.
Pourquoi ? Et bien d’une part parce que la mise en scène de Tony Maylam est loin d’être dégueulasse. Sur un scénario hyper convenu, qui plus est plombé par de grosses lacunes (c’est long à commencer, les personnages sont sans intérêt), il parvient à insuffler un bon rythme à l’ensemble du film. Rappelons que l’on était dans les années 80, à l’époque où les films qui ne racontaient rien avaient le bon goût de durer moins d’1h30. Bref, quand on commence à s’ennuyer, le massacre commence, et à partir de là, tout s’enchaine proprement jusqu’à la fin. De plus, ici et là, Carnage propose quelques jolis plans (le meurtre de la prostituée qui rappelle Maniac ou la contre-plongée de la scène du canoé, qui est reprise vingt fois dans la bande-annonce et qu'on voit sur toutes les affiches).
De plus, Carnage bénéficie d’un body count tout à fait correct, puisque qu’avec neuf morts, le film est pile dans la moyenne de ce qui se faisait à l’époque. On notera que le métrage ne s’arrête pas à de quelconques considérations morales : moniteurs, enfants, tout le monde y passe. Le tout bénéficie du savoir faire indéniable de Tom Savini qui nous gratifie de quelques beaux plans gores. On pourra également voir ici et là quelques plans nichons bien gratuits, une marque de fabrique incontournable des slashers des années 80.
Ceci étant dit, à part ça, ça ne casse quand même pas des briques. On est vraiment dans de la série B d'exploitation. L’entreprise est donc limitée par quelques facteurs, au premier rang desquels un tueur peu charismatique. Parce que l’intérêt d’un slasher, c’est surtout son tueur. Tout le monde connaît Michael Myers, Jason Voorhees ou Freddy Krueger parce qu’ils ont de la gueule ! Cropsy, lui, fait vraiment pâle figure. Alors au début, on sent qu’un effort est fait (la séquence à la Maniac pose bien de personnage), mais très vite, le réalisateur s’en contrefiche et le filme juste comme une vague menace. Jamais icônisé, jamais effrayant, on retiendra plus l’atroce maquillage final en latex qui achève de faire de ce boogeyman un anonyme très oubliable.
Ensuite, le film souffre de quelques limitations techniques au rang desquels un montage particulièrement dégueulasse. On a ainsi souvent du mal à comprendre l’enchainement des actions. Certes, ça ne gène la compréhension (le tueur à une cisaille dans la main, la cisaille finit dans une gorge, on comprend bien comment on a pu passer de l’un à l’autre), mais c’est tout de même loin d’être fluide. Et puis, comme d’habitude, les comédiens sont médiocres, la photo est quelconque,… Oui, on est dans un slasher des années 80.
Bref, si vous êtes fan de slasher, Carnage devrait aisément vous faire passer un bon moment. Même si le film n’a rien de mémorable, il n’en demeure pas moins suffisamment bien fait pour assez bien supporter l’épreuve du temps et réussir à contenter les fans. Et si vous n’aimez pas les slashers et bien… euh... que faites-vous encore là ?
Et on peut le voir où ce truc ?
Étonnamment, Carnage a eu le droit à des éditions DVD et Blu-Ray ! Oui ! Alors ne cherchons pas à comprendre pourquoi alors que BrainDead n’est jamais sorti en France, toujours est-il que les DVD/BR sont disponibles dans toutes les bonnes crèmeries. On notera que le film est également visiblement en ce moment sur le replay d'OCS. Pour l’occasion, le film a même été passé en HD. Et franchement, la conversion est de qualité.
Un peu trop d’ailleurs. On peut en effet se demander si c’est rendre service à ce genre de film que de les convertir tant une image trop propre fait ressortir tous les défauts. Les effets spéciaux de Tom Savini, par exemple, faisaient illusion avec un grain un peu dégueulasse. Là, c’est du latex. Et on le voit très bien que c’est du latex… Ne parlons pas non plus des nuits américaines : désormais, il fait juste jour pendant toutes les séquences nocturnes... Finalement, en voulant rajeunir le film, ils n’ont réussi qu’à le dater encore un peu plus.
Publié le lundi 19 novembre 2018 à 14h00
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