Le public, véritable star du cinéma

Edito écrit par Nicolas L. le lundi 30 avril 2007 à 00h00

...et paf ! , cette semaine, l’ami Han Maximus se retrouve embarqué dans une galère pas possible à l’occasion d’une avant-première, véritable opération marketing faisant fi des préoccupations et du confort du public. Un comble d’ailleurs que cela tombe sur mon ami Han, le staffeur de loin le plus idéaliste de SFU. Un véritable fan qui, lorsque je lui parle de paupérisation artistique, de créativité et de générosité sacrifiées sur l’autel du profit, me regarde avec tristesse et compassion devant mon air dépressif. On lit dans ses yeux qu’il plaint ma perte de foi. Pourtant, les faits sont là. Le cinéma n’a jamais autant mérité son label d’industrie capitaliste. Normal lorsque l’on constate les moyens nécessaires pour mettre en chantier un Spider-man ou un Seigneur des Anneaux. Une véritable opération financière et technologique qui fait entrer en compte un maximum de données calibrées, mesurées, formatées et maintes fois testées. Les usines Boeing ou Airbus à la sauce cinématographique. Le cinéma est devenu un truc de dingue. Des acteurs qui ne savent même pas de quoi parle le film auquel ils ont participé (véridique, certains n’ont jamais vu les rushs des séquences ne les concernant pas et sont obligés de compulser les press-book avant les interviews). Des séquences tournées simultanément sur des plateaux différents, sur des fondements numériques, à grand renforts de réalisateurs de seconde et troisième équipe, qui fait que le réalisateur, grand architecte de l’ensemble, passe plus de temps à courir de plateau en plateau pour ordonner quelques instructions au lieu de se concentrer essentiellement sur son travail d’auteur. Des studios d’imagerie numériques répartis au quatre coins du globe, travaillant en autarcie et en toute indépendance financière qui livrent leur commande comme La Redoute un slip kangourou, et des agences marketing au standard Pro-format qui matraquent les médias de teasers, spots et bandes annonces six mois avant la sortie du film tout en protégeant leur produit comme s’il s’agissait du Saint Graal (et pourtant, malgré le piratage, le cinéma américain n’a jamais autant engrangé de fric). Il est normal qu’au milieu de ces colosses artificiels, l’homme se trouve bien minimisé, et il se retrouve même parfois perverti par le système. Il n’y a qu’à voir du coté de ces anciens fans, devenus aujourd’hui plus des hommes d’affaires avisés que des créateurs. Peter Jackson, par exemple, qui préfère se disputer juridiquement ses billets plutôt que saisir l’opportunité Bilbo, ou John Favreau, qui balance comme une couche souillée le projet John Carter pour se jeter sur le contrat Iron Man, tellement plus juteux ! Et bien oui ! Maintenant, dans les couloirs d’Hollywood, il faut bien faire gaffe à protéger ses fesses et il est dangereux de ramasser la savonnette. Finalement, dans tout cela, il n’y a que nous - les fans - qui n’ayons guère changé. Entre la foule qui se pressait devant l’entrée du Rex pour obtenir un autographe du sympathique Tobey Maguire et celle qui s’agglutinait dans les années 20 à la sortie des salles de Broadway pour apercevoir subrepticement Douglas Fairbanks ou Mary Pickford, il n’y a dans le fond guère de différences, les téléphones portables ayant remplacé les ombrelles et les borsalino. Et c’est peut-être en cela que réside encore la magie du cinéma… Son public. Il ne faudrait pas que tout ce beau monde à paillettes l’oublie trop longtemps.