Critique Abyss : Conspiracy

Avis critique rédigé par Gaetan G. le samedi 27 juin 2020 à 14h00

Die shrink

« Dans le royaume d’Abyss, intrigues et corruption rythment la vie des profondeurs. À l’Assemblée Océanique du Sénat, vous êtes au cœur de cette lutte de pouvoir permanente et vos adversaires manigancent sans relâche pour gagner de l’influence. Recrutez les Seigneurs les plus avantageux avant que vos opposants ne les détournent et organisez au mieux votre chambre sénatoriale. À l’Assemblée Océanique du Sénat, intrigues et corruption rythment la vie des profondeurs. Vous êtes au cœur de cette lutte de pouvoir permanente et vos adversaires manigancent sans relâche pour gagner de l’influence. »

Abyss est un jeu de plateau qui a fortement marqué les esprits, lors de sa sortie en 2014. La mécanique créée par Bruno Cathala reste encore aujourd’hui une merveille d’efficacité et de précision. En effet, le titre est à la fois très simple d’accès, ce qui le rend adapté aux débutants, tout en offrant une jolie profondeur stratégique, ce qui le rend également agréable pour des joueurs plus confirmés. Niveau direction artistique, l’illustrateur Xavier Colette a réussi à donner vie à un environnement magnifique, bien que nettement plus sombre que les autres réalisations du studio.

Le titre a bénéficié de deux extensions, et c’est maintenant Conspiracy qui débarque dans les boutiques. En quelques mots, il s’agit d’un titre indépendant dont l’objectif est de transposer l’expérience d’Abyss en petit format. Aussi beau que son grand-frère, pas cher, facile à transporter et/ou à emmener en vacances : sur le papier, la formule a tout pour plaire… Mais le titre est-il à la hauteur de ces attentes ? La réponse se trouve un peu plus bas !

Une forme à la hauteur du grand-frère, et c’est un sacré compliment

La boîte contient 60 cartes au format 6x6 représentant les différents Seigneurs que l’on peut recruter, 20 cartes « lieux » au format US standard, une carte servant au comptage des perles et 5 petits jetons en carton par joueur.

Tout le matériel tient dans une boîte métallique de 10x10 environ. Cette dernière est estampée afin d’offrir une bonne résistance, elle supportera donc sans problème le stockage dans des valises bien pleines, ou les manipulations un peu trop brusques. A noter que l’éditeur propose 5 décors différents, le contenu à l’intérieur restant rigoureusement le même. C’est un clin d’œil au titre original, qui proposait lui aussi 5 boîtes différentes:

Visuellement parlant, le titre est absolument magnifique. La parenté visuelle avec l’univers Abyss est totale. Malgré le petit format et le petit budget qui va avec, le studio a mis le paquet sur les illustrations puisque chaque carte est unique.

Niveau manuel, pas grand-chose à en dire : on est sur du jeu familial, et il ne faut qu’une poignée de minute pour apprendre à jouer. A noter que le manuel est disponible en version électronique sur le site de l’éditeur. Cela peut être utile dans le cas d’un titre appelé à beaucoup voyager. Une petite aide de jeu sur les effets des différentes cartes aurait été la bienvenue, même si le problème peut être réglé simplement en imprimant une ou deux copies des dernières pages des règles.

Au rayon des absences, on peut également regretter l’absence d’un petit bloc de feuilles de marques. Une version imprimable est disponible en ligne, ce qui est un aveu de l’utilité de la chose.

Une mécanique toute simple…

On l’a dit plus haut : Conspiracy constitue une sorte de déclinaison d’Abyss dans un format plus ramassé. Le matériel est le principal concerné par le coup de rabot – on peut déplorer par exemple la disparition du plateau et des billes nacrées – tandis que la mécanique se révèle à l’usage étonnamment similaire entre les deux titres. L’objectif d’une partie n’a pas changé : vous allez devoir recruter des Seigneurs et ceux-ci vont vous apporter leur influence. Le joueur qui en aura le plus à la fin sera proclamé vainqueur. La mise en place d’une partie prend environ 30 secondes : on mélange la pile des Seigneurs, on fait de même avec les lieux, et pour finir on retourne le premier lieu de la pile :

Le premier joueur n’a pas le choix : il doit piocher entre 1 et 3 cartes Seigneur de la pile correspondante. Il ne pourra en garder qu’une, et devra disposer les autres faces visibles en les triant par couleur. Vous comprenez immédiatement le dilemme : plus on pioche de cartes, plus on a de chance d’en récupérer une bonne mais plus on offre d’opportunités à son ou ses adversaires…

Le premier va ensuite placer sa carte devant lui. L’objectif va être de former peu à peu une sorte de pyramide (5 sur le premier étage, 4 sur le deuxième et ainsi de suite). A noter que l’on a pas le choix de l’emplacement : les Seigneurs sont posés les uns derrières les autres, de gauche à droite puis de haut en bas :

Chaque Seigneur dispose d’un pouvoir spécial, activable immédiatement. Certains permettent de permuter deux personnages (ce qui peut être utile pour le comptage final), d’autres vont vous rapporter des perles, d’autres encore possèdent des clés qui vous permettront de récupérer des lieux.

Lorsqu’un joueur récupère deux clefs identiques, il peut récupérer un lieu. Comme dans Abyss, ce type de carte est dédié au scoring de fin de partie, chaque lieu rapportant entre 2 et 8 points d’influence en fin de partie (par exemple 1 point par Seigneur jaune, ou 2 points par lieu en votre possession). La récupération de lieu fonctionne de la même manière que les Seigneurs : on peut soit récupérer un lieu disposé face visible, soit piocher entre 1 et 3 nouvelles cartes. On en conserve qu’une, avant de disposer les autres faces visibles.

Une fois que le premier joueur a posé son Seigneur, on passe au suivant. Ce dernier aura normalement plus de choix possibles : il pourra soit prendre toutes les cartes visibles d’une unique couleur, soit piocher lui aussi entre 1 et 3 cartes faces cachées de la pile des Seigneurs:

La partie continue jusqu’à ce qu’un joueur ait fini sa pyramide. Les autres joueurs ont encore un tour à jouer, puis on passe au comptage. A ce stade, youpi, c’est salade de point pour tout le monde. En effet, chacun marque les points suivants :

  • Pour chaque couleur, la valeur d’influence du Seigneur le plus influent présent dans sa pyramide ;
  • 5 points pour celui qui a le plus de perles ;
  • On identifie la plus grande zone de Seigneurs contigus de la même couleur, et on marque 3 points pour chaque Seigneur qui la compose
  • Les points apportés par les différents lieux achetés

… plus familiale que son grand-frère

Stratégiquement, il n’y a pas grand-chose à dire du titre. Il y a en tout et pour tout 5 pouvoirs différents, et 4 manières de marquer des points (par les perles, par la zone la plus grande, par l’acquisition de Seigneurs avec une forte influence, par les lieux). Avec tout ça, vous l’aurez compris, le titre ne boxe clairement pas dans la même catégorie qu’un Volfyrion chroniqué tout récemment sur notre site.

On est sur du jeu simple et familial, du genre à privilégier l’accessibilité et le plaisir immédiat au détriment de la profondeur stratégique. C’est la principale différence avec son grand-frère Abyss, qui avait la particularité de parler à un public beaucoup plus large…

A l’usage, la mécanique se révèle avant tout opportuniste. Les stratégies monocolores sont vouées à l’échec, dans la mesure où l’on ne marque aucun point pour une couleur qui n’est pas présente dans sa zone de jeu en fin de partie. Il est également vital de se constituer une bonne zone centrale de 5 ou 6 cartes adjacentes, ne négligez donc pas les seigneurs d’influence 0 qui permettent d’intervertir deux cartes.

Au rayon des échecs, je vous déconseille également les stratégies d’attrition (prendre avant tout les cartes du milieu pour forcer l’adversaire à révéler de nouvelles cartes, les piocher 1 par 1 lorsque c’est nécessaire). En tout cas, elles ont très rarement fonctionné dans mon cas.

En conclusion, Conspiracy est une excellente transposition d’Abyss. Le jeu est facile à sortir et la durée de partie de 30 minutes en fait un parfait petit jeu d’apéro. Bref, c’est le genre de titre idéal à emmener en vacances ou pour se dérouiller les méninges entre amis. On peut néanmoins regretter une certaine perte de profondeur au passage…

Le résumé du patron

Mécanique : pose de carte et optimisation
On récupère des cartes Seigneurs, qui vont rapporter plus ou moins de points d’influences. On n’a pas le choix de leur positionnement, elles sont posées sur notre plateau les unes à la suite des autres. Pour maximiser les points, il va donc falloir les récupérer dans le bonne ordre ou être capable de les ré-agencer.

Public cible : familial
Le jeu est sortable avec absolument n’importe qui. C’est sa force, autant que sa faiblesse – car l’accessibilité

Nombre de joueur : 2 à 4, excellent à 2, pas testé à plus (merci le confinement !)
Le jeu tourne vraiment bien à deux, il s’est révélé un excellent compagnon pendant le confinement. A 4, il se révèle moins frustrant, en général il y a plus de cartes à piocher au milieu.

Durée de partie : 30 minutes
C’est une bonne durée pour le format. La mise en place et le rangement sont quasiment instantanés, ce qui ne gâche rien.

Interaction : faible
Les interactions sont très faibles entre les joueurs. On tente de maximiser son propre sénat plutôt que d’empêcher son adversaire de marquer des points. Au pire, on regarde de temps en temps le jeu des autres lorsqu’on récupère plusieurs cartes intéressantes, mais c’est à peu près tout.

Rejouabilité : sympa sur une ou deux parties, on n’y passerait pas la soirée non plus
L’éventail de stratégie est trop limité pour qu’on enchaîne les parties en boucle, mais on en fait facilement deux ou trois d’affilée (la première, la revanche puis la belle).

Courbe de progression : on en profite dès la première partie
On est sur du jeu simple et familial, du genre à privilégier l’accessibilité et le plaisir immédiat au détriment de la profondeur stratégique.

La conclusion de à propos du Jeu de société : Abyss : Conspiracy

Auteur Gaetan G.
75

Conspiracy prend place dans l’univers d’Abyss, un grand classique de 2014 dont il dépoussière et simplifie la mécanique afin que tout tienne dans une boîte en métal de 10x10cm.

Lors d’une partie, on récupère des cartes Seigneurs qui vont rapporter plus ou moins de points d’influence et que l’on va venir assembler pour former une pyramide. Contrairement à la plupart des jeux du genre, le jeu ne repose pas sur des combos dans tous les sens mais plutôt sur une forte complémentarité entre les cartes.C’est le genre de titre idéal à avoir dans un coin de la valise ou de l’armoire à jeu : il est facile à sortir et les parties ne sont pas trop longues, comptez une trentaine de minute (installation et rangement compris).

Le titre retransmet parfaitement l'ambiance et le feeling de son aîné, et de ce point de vue c'est une réussite exemplaire. En revanche, on peut regretter que la simplification ait aussi impacté la profondeur stratégique. Là où Abyss réussisait le tour de force de parler tout aussi bien aux débutants qu’aux joueurs plus confirmés, Conspiracy est beaucoup plus orienté vers un public familial. Ce n’est pas forcément un problème, surtout au vu du positionnement tarifaire de la boîte, mais cela pourra surprendre les inconditionnels d'Abyss qui risquent de s'y sentir à l'étroit.

On a aimé

  • Très belle transposition de l'esprit d'Abyss en petit format...
  • Facile à sortir et à installer
  • Une direction artistique à tomber
  • Prix tout doux (sous les 20€)
  • Vraiment excellent à 2

On a moins bien aimé

  • ... Même si la profondeur stratégique en a pris un sacré coup au passage
  • Manque une petite aide de jeu et un bloc de comptage

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