Critique Une Cosmologie de Monstres [2019]

Chez Albin Michel Imaginaire, ils ont le don pour trouver d’excellents premiers romans : après Semiosis de Sue Burke, une utopie SF intelligente, Une Cosmologie de Monstres est également une excellente surprise. Shaun Hamill signe ici un roman entre saga familiale et horreur sourde.

Margaret est une jeune femme du Tennessee partagée entre deux garçons, Pierce résolument sérieux et promis à un avenir stable, et Harry, un peu fantasque mais adorable. Elle choisit Harry et bientôt l’épouse. Passionné par Lovecraft, il a fait découvrir à Margaret tout un univers imaginaire. Le couple galère mais s’aime et bientôt, a le projet de construire dans leur jardin une attraction spectaculaire pour Halloween. C’est en effet dans un endroit similaire qu’Harry a convaincu la jeune femme qu’il était le bon. C’est aussi dans cet endroit que Margaret a aperçu des yeux effrayants… Alors que les premières galères s’accumulent pour cette famille qui accueille désormais deux petites filles, le regarde terrifiant revient… Harry devient obsédé par son projet de maison hantée.

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Le narrateur Noah Turner est le plus jeune fils de cette famille maudite, son récit est émouvant et fait également froid dans le dos. La relation particulière qu’il noue avec un « monstre » est au cœur de sa vie mais les monstres guettent à la fenêtre de la maison familiale depuis plus longtemps. En effet, la scène où le monstre gratte enfin à la fenêtre arrive assez tard et les chapitres précédents, le lecteur ne peut mettre le doigt sur le mal qui observe sa famille, sur cette sorte de malédiction qui semble mener à la folie certains de ses membres. Inspiré de l’horreur indicible lovecraftienne, le roman n’est pourtant pas un roman d’horreur, il est malaisant, parfois effrayant mais il s’agit surtout d’une épopée familiale  sur plusieurs décennies peuplée de personnages terriblement humains. On sent l’influence de Stephen King aussi, Shaun Hamill met en scène des enfants et des adolescents face à l’effroi. Subtil, le mal rampe autour de cette famille pour un récit dramatique où les problèmes sont parfois banals ou simplement humains : la précarité, la maladie, le suicide, la disparition, le deuil, ces thèmes forts sont traités avec justesse et même tendresse.

Entre certains chapitres, des extraits comme dactylographiés avec une machine à écrire, plongent nos personnages dans un cauchemar éveillé et permet de faire des ellipses temporelles qui allègent la densité de cette saga familiale mais renforcent l’aspect terrifiant du récit. Le fantastique va crescendo, les monstres sont de plus en plus présents pour un final qui expliquera pourquoi cette famille et pourquoi cette structure narrative. A noter une excellente traduction de Benoît Domis. Ce roman de Shaun Hamill est accessible aux lecteurs qui ne sont pas amateurs habituellement de fantastique car celui-ci est diffusé progressivement mais il n’en sortira pas indemne.