Critique This War of Mine : Mémoires de la Cité en Ruine
Avis critique rédigé par Gaetan G. le mercredi 3 avril 2019 à 09h00
Perso j'attends l'extension 'gilets jaunes'
La guerre ne connaît jamais de fin. Ses victimes se comptent par milliers, et chaque jour nous perdons un peu plus espoir… La nourriture se fait rare et notre abri tombe en ruines. Pourtant, nous continuons de nous battre. On croise de nouveaux visages à travers la ville : certains amicaux, sur le marché improvisé ou dans les maisons voisines, et d’autres hostiles à la nuit tombée. Ceux-là brandissent des lampes-torches aveuglantes, des gourdins et des couteaux. Nous cherchons de nouveaux passages à travers les ruines – parfois même sous la terre – afin d’éviter les balles des tireurs embusqués et de ramasser tout ce qui pourrait avoir de la valeur. Le butin est toujours maigre, pourtant nous continuons de nous battre. En même temps, avons-nous d’autres choix ? »
This War of Mine restera un de nos gros coups de cœur ludiques de l’année 2018. Pour ceux qui ne voient pas de quoi on parle, il s’agit d’un jeu collaboratif dans lequel les joueurs vont prendre en main un groupe de survivants piégés au beau milieu d’une guerre civile. Le titre bénéficie d’une écriture incroyable, brutale et sans compromis. Le résultat ne laisse pas indifférent : plongé au milieu des horreurs de la guerre, chaque partie nous prend aux tripes et nous laisse avec un goût amer dans la bouche. Une expérience incroyable, donc, même si elle n’est clairement pas à mettre entre toutes les mains. Pour ceux qui souhaiteraient se rafraichir la mémoire, la chronique complète est disponible juste ici.
Bonne nouvelle pour ceux qui ont déjà poncé le jeu dans tous les sens : l’éditeur vient tout juste de sortir la première extension, intitulée sobrement Mémoires de la Cité en Ruine. Elle se compose de 5 modules indépendant, que l’on peut inclure à n’importe quelle partie (campagne ou scénario). Regardons ensemble ce qu’elles apportent.
Module « personnages »
Le premier ajout de cette extension, c’est bien sûr l’apparition de deux nouveaux personnages dans l’aventure. Il y a tout d’abord Emira la sans-abri, livrée avec une figurine de bonne facture et un background transpirant la joie et la bonne humeur :
« Lorsque la guerre a éclaté, tout le monde a reçu le même traitement. Les barrières qui existaient entre nous sont tombées. Pour la première fois depuis des années, on m’a considérée comme une personne à part entière. Je suis l’égale de tous. Je ne suis plus une sans-abri, une rejetée de la société. Je suis à nouveau Emira. Je suis habituée à vivre cachée, dans la pauvreté, toujours à la recherche de restes. Ce qui faisait de moi une paria est devenu un savoir précieux. Bienvenue dans mon univers ! Mais n’imaginez pas pour autant que cela me réjouit. J’attends que ce cauchemar cesse, comme tout le monde. Un jour, il faudra que tout cela change. »
En pratique, elle constituera un ajout de choix pour le groupe. Elle dispose d’une capacité de transport limitée, ce qui fait qu’elle sortira très peu en expédition. En revanche, son absence totale d’empathie et sa capacité à ne pas ressentir la faim contrebalanceront largement ce défaut.
Le second personnage est plus étonnant puisqu’il s’agit… D’un chat. Car oui, les humains ne sont pas les seules victimes du conflit : de nombreux animaux se sont aussi retrouvés piégés dans la ville assiégée. Plus personne ne se soucie de ces compagnons, autrefois choyés et qui doivent maintenant survivre au beau milieu d’une guerre qui ne les ménage pas. Notre ami le chat pourra compter sur sa petite figurine toute kikinoutte, en revanche pas un mot sur son background. On peut néanmoins imaginer quelque chose de démoniaque – après tout on parle d’un félidé.
Il ne s’agit pas d’un personnage jouable, mais plutôt d’un ornement de maison. Au cas où vous vous poseriez la question : oui, il est tout à fait possible de bouffer le chat en période de disette. Les cyniques apprécieront.
Module « Mesures Désespérées »
L’extension est également livrée avec 7 cartes additionnelles, qui s’activent à la mort d’un personnage. Les bonus accordés sont franchement disproportionnés, et leur intégration aux parties constitue une sorte de mode « facile ». Vous pouvez les utiliser si vous n’êtes jamais parvenu à remporter une campagne ou un scénario, mais pour les autres cet ajout est largement dispensable. Pire, il ne s’inscrit pas du tout dans la philosophie du jeu. Bref, à oublier.
Module « égouts »
Ce module permet de partir à la découverte des égouts de Pogoren. On peut y croiser tout un tas de choses plus ou moins désagréables : des déserteurs se cachant de leurs supérieurs, des planques secrètes, des passages menant à des bâtiments bombardés, des marchés souterrains, etc. Cette exploration sera peut-être l’occasion de ramener des ressources cruciales ou de rencontrer des individus intéressants. Plus probablement, elle confrontera le groupe à de nouvelles horreurs et mettra la santé mentale de chacun à rude épreuve.
Dans Mémoires de la Cité en Ruine, l’excursion à travers les cloaques de la ville se fait au moyen de cartes « plan des égouts » que l’on pose sur la table au fur et à mesure de l’exploration. Le système d’évènements aléatoires est toujours le même, et il est toujours aussi punitif : certains événements sont sans effet mais la plupart vont contraindre le groupe à perdre des objets, à souffrir de fatigue ou de maladie, ou encore à effectuer un jet de dés pour surmonter un obstacle. La variété des situations rencontrées est excellente, avec un livre de script contenant 235 paragraphes (grosso-modo le quart du livre de base).
Une fois que le groupe a réussi à traverser 3 cartes « Plan des Égouts », il tombe inévitablement sur une sortie vers le monde extérieur. Chaque Exploration réussie permet de résoudre une collecte dans un lieu au hasard. Cette exploration se fait de jour, ce qui signifie que les joueurs concernés ne pourront pas intervenir dans l’abri. En revanche, ils pourront immédiatement repartir pour participer à la collecte nocturne.
Il s’agit d’un excellent ajout, qui permet de favoriser la collecte de ressource au détriment de la gestion du camp. C’est donc particulièrement utile au début du jeu, ou en cas de coup dur.
Module « fermier »
Ce module permet d’accéder à un marché à l’issue de chaque phase de collecte. Les biens disponibles à l’achat changent en permanence, en fonction des nouveaux réfugiés arrivés en ville. La plupart ne sont que des paysans durement éprouvés par la guerre : leurs terres ont été ravagées, leurs familles assassinées ou leurs maisons incendiées… Ils ne cherchent qu’à survivre en faisant du commerce, mais ils sont faibles et vulnérables. Certains vont donc chercher à conserver de bonnes relations avec les nouveaux arrivants afin de pouvoir accéder au marché pendant toute la durée de la campagne, d’autres vont abuser de la force pour les rançonner plus ou moins violemment. Vous pouvez agir comme bon vous semble mais les agissements du groupe vont conditionner la réputation de l’équipe. Le plus elle sera mauvaise, le plus vous serez susceptible de déclencher des événements désagréables lors de vos passages au marché.
Là encore, ce module apporte une vraie « fraicheur » aux parties. La dimension morale qu’il contient – soit être un pourri et collecter beaucoup de ressources tout de suite, au risque de faire face à des ennuis si l’on doit revenir, soit privilégier le long terme et la coopération – est intéressante et s’intègre parfaitement au jeu. L’occasion de se frotter à de nouveaux dilemmes et situations moralement difficiles.
Module « incidents »
La boîte de base de This War of Mine contient 2 scénarios, intitulés « Le Dernier Jour » et « Nuit sans Fin ». Là ou le mode campagne propose des parties qui durent entre 6 et 10 heures, ces scénarios amènent au contraire des expériences plus ramassées (entre 1 et 2h) et de fait plus intenses.
Bonne nouvelle pour ceux qui ont aimé ce mode de jeu : le dernier module de Mémoires de la Cité en Ruine propose pas moins de 5 nouveaux défis à se mettre sous la dent :
- « Épidémie » : à cause des milliers de corps laissés sans sépulture dans la ville, une terrible épidémie commence à décimer la population.
- « Côte à côte » : Quand la guerre éclate, comment vos voisins vont réagir ? Connaissez-vous au moins leurs noms ?
- « Du Sang dans la Neige » : en plus de vous battre pour votre survie, vous allez devoir enquêter sur une affaire de tentative de meurtre. Méfiez-vous de vos compagnons.
- « Réfugiés » : un groupe d’étrangers, victimes de persécutions, frappe à la porte de votre Refuge.
- « Toi et Moi » : une histoire d’amour shakespearienne au beau milieu de la cité en ruine.
On ne va pas détailler plus longuement les intrigues, histoire de ne pas vous gâcher le plaisir de la découverte… Sachez cependant que l’écriture n’a rien de transcendant, même si les différents scénarios se suivent sans déplaisir. A l’exception notable du quatrième, « Du Sang dans la Neige », qui vous propose une enquête policière dont le coupable se détermine… Au moyen d’un jet de dé, merci pour l’immersion.
Les scénarios offrent au passage une mécanique pseudo-Legacy très réussie. Lorsqu’on parvient à en remporter un, on ouvre une enveloppe cachetée contenant divers éléments que l’on vient ajouter au jeu de base. Cela donne un petit sentiment de progression plutôt agréable, pour le coup, et cela pousse à enchaîner les histoires.
Et pour en rester sur les points qui fâchent : ce module comporte deux personnages additionnels jouable uniquement pendant le scénario « toi et moi ». Ils ne sont pas destinés à être réutilisés en dehors, d’ailleurs ils n’ont même pas de figurine dédiée. C’est dommage, car on s’attache à leur histoire : il n’aurait pas fallu grand-chose pour les rendre autonome et les faire intégrer le groupe une fois le scénario fini.
50% nouveauté, 50% recyclage
Pour finir, signalons que les différents modules ne seront pas forcément nouveaux pour tout le monde. En effet, les auteurs ont fait le choix – très discutable – de mélanger environ 50% de contenu provenant des extensions du Kickstarter (en l’occurrence, la totalité des add-on « égouts » et « fermiers ») et 50% de contenu original (les cartes « le tout pour le tout », les 5 scénarios et le chat).
On peut comprendre l’intérêt économique qu’il y a derrière, puisque cela permet de produire une extension à moindre coût et de « recycler » du contenu exclusif. En revanche, les acheteurs de l’édition Kickstarter « all-in » peuvent se sentir floués, pour le dire poliment : on leur laisse le choix entre rater du contenu sympathique, ou racheter au prix fort des trucs qu’ils ont déjà. C’est quand même très moyen, et c’est avec ce genre de pratiques douteuses que les studios vont finir par tuer le financement participatif…
La conclusion de Gaetan G. à propos du Jeu de société : This War of Mine : Mémoires de la Cité en Ruine
Mémoires de la Cité en Ruine est la première extension pour This War of Mine, et elle fait clairement le job. Elle amène des nouvelles situations, des nouveaux endroits à explorer, des nouveaux personnages et tout pleins de nouveaux dilemmes moraux. Bref, il y a suffisamment de contenu pour inciter ceux qui ont déjà poncé la boîte de base à replonger, ou pour inciter des joueurs plus occasionnels à enrichir leur expérience de jeu. On peut juste regretter le manque d’ambition de l’ensemble : la boîte rassemble des modules (excellents) autrefois exclusifs au Kickstarter, et des modules (un peu en dessous) créés spécifiquement pour l’extension. Le résultat est correct, mais laisse comme un petit goût de bricolé à la va-vite.
On a aimé
- La ferme et les égouts, deux modules d'excellente facture
- Les modules sont tous indépendants, histoire de personnaliser l'expérience comme on le souhaite
- On peut manger le chat !
On a moins bien aimé
- Les scénarios sont de qualité inégale
- Les acheteurs du Kickstarter "all-in" vont se retrouver avec une partie du contenu en doublon
- On aurait apprécié deux figurines supplémentaires pour pouvoir intégrer les personnages du scénario "toi et moi" aux campagnes
- Un peu cher (entre 45 et 50€, ouch...)
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