Critique Paper Tales : Au-delà des portes
Avis critique rédigé par Gaetan G. le lundi 30 avril 2018 à 09h00
pas de gros changement à l'horizon mais toujours aussi bon
En ce moment, les jeux de drafts ont incontestablement le vent en poupe. Plusieurs excellents représentants du genre ont d'ailleurs été chroniqués dans nos colonnes ces derniers mois.
Personnellement et sans l'ombre d'un doute, mon petit chouchou reste quand même Paper Tales, un « petit » jeu sorti à l'automne dernier qui a vraiment tout pour plaire. Jugez-en plutôt : il a un prix tout doux, on peut le sortir avec un peu près n'importe quel public de joueurs (du Familial+ à l’Expert), il est original dans le thème et dans les mécaniques, et surtout il offre une grande variété de stratégies possibles grâce à un équilibrage au poil…
La vie est belle, puisque sa première extension vient tout juste de sortir en boutique. Inutile de vous dire que je me suis précipité dessus, afin de voir ce qu'elle pouvait apporter à une recette de base déjà excellente. Alors, le mieux est-il toujours l’ennemi du bien ? Ça tombe bien, c’est ici qu’on en parle.
A première vue, pas de gros bouleversement
L’extension est composée d’un deck de 99 cartes, dont la quasi-totalité correspond à de nouvelles unités et bâtiments. Le reste, quant à lui, est dédié à un nouveau mode de jeu solo.
Une fois dépunché, l’ensemble trouve sans problème sa place dans la boîte de base. Le jeu reste donc toujours aussi compact et facile à prendre avec soi quand on va chez des amis. Au passage, je vous conseille de préparer à l’avance un petit sachet par joueur contenant le matériel Kivabien™ (aide de jeu + marqueur de score de la même couleur + 1 carte bâtiment de chaque type). Cela fait gagner 10 bonnes minutes à la mise en place et au rangement, surtout si vous êtes nombreux.
L’extension ne bouleverse pas fondamentalement les mécaniques du jeu : une partie de Paper Tales se déroule toujours en 4 tours, eux-mêmes étant décomposés en 6 phases qui s’enchaînent dans l’ordre suivant :
- Recrutement : les joueurs draftent une main de 5 cartes
- Déploiement : les troupes recrutées sont posées sur la table
- Guerres : chaque joueur compare la puissance de son armée aux joueurs situés à sa droite et à sa gauche
- Revenu
- Construction d’un bâtiment
- Age : cette phase correspond au vieillissement et à la mort des unités
Je pense qu’il n’est pas nécessaire de revenir plus en détail sur le déroulement de ces différentes phases. Au besoin, vous pouvez toujours faire un petit tour juste ici pour vous rafraichir la mémoire (n’hésitez pas, ça me fera des vues :-). Les nouveautés se classent en 4 catégories.
20 nouvelles unités
Au-delà des portes ajoute tout d’abord 20 cartes unités au jeu de base. A première vue cela peut paraître peu, mais croyez-moi il n'en faut pas plus. En effet, elles ont été conçues pour démultiplier les combos et les possibilités, et leur nombre mesuré permet de ne pas (trop) bouleverser l'équilibre du jeu.
Cela étant, cet impact est déjà sensible et Paper Tales passe en mode « bigger, faster, louder ». On en prend conscience assez vite, d’ailleurs : lors de ma première partie avec l’extension, j’étais tout fier de ma force d’attaque à 14 juste avant de me faire impitoyablement rouler dessus par mes deux voisins qui se tiraient la bourre aux environs des 20. La même chose pour les points : j’ai vu certaines combinaisons entre les cartes et les bâtiments rapporter 25 points en un tour, sachant que la piste de score va jusqu’à 50. Heureusement, la mécanique de vieillissement des unités évite que le joueur ne conserve le même combo pendant toute la partie et ne prenne trop d’avance. Les coups les plus puissants impliquent d’ailleurs souvent la disparition immédiate des unités concernées.
Du reste, les scores de mes parties étaient plutôt serrés, ce qui montre que le jeu reste équilibré. Grosso-modo, attendez-vous quand même à une montée d’environ 50% pour tout le monde, ce qui est vraiment gratifiant. On prend des risques, on tente des choses, et ça paie. Au passage, la formule fonctionne bien même avec des débutants : il n’est donc pas nécessaire d’enlever les cartes de l’extension quand on fait une partie d’initiation. Et ça c’est cool aussi.
Par contre, il y a un (petit) effet pervers : le jeu devient du coup plus dépendant des cartes qui vous passent entre les mains, et donc de la chance. Toutefois, vous pouvez sans problème mettre de côté ces nouvelles cartes sans que ça n’ait d’impact sur le reste (par exemple si vous êtes un puriste de la planification ou si vous détestez l’influence du hasard). C’est d’ailleurs la philosophie générale de l’extension : chaque nouveauté est complètement indépendante. Vous pouvez donc faire votre marché, rajouter ou enlever celles que vous voulez, et quand vous le voulez.
6 nouveaux bâtiments
Au-delà des portes ajoute également 6 nouveaux bâtiments, ce qui porte leur total à 11. Histoire d’éviter de perdre les joueurs, seulement 7 sont utilisés par partie : 4 sont inclus de base dans tous les cas (la mine, la taverne, le temple et la ville) et 3 autres sont choisis au hasard. Tout le monde a bien évidemment les mêmes, au cas où vous poseriez la question.
Les nouveaux bâtiments peuvent avoir une influence très forte sur votre partie. Prenons l’exemple de la crypte : elle rapporte beaucoup de ressources, mais elle ajoute en contrepartie une lune supplémentaire sur chaque unité et à chaque tour. La majorité de vos troupes ne passeront donc pas l’année, mais cela ouvre la voie à tout un tas de synergies intéressantes, typiquement avec les reliques.
Augmentation du nombre de joueurs
Au-delà des portes ajoute par ailleurs le matériel nécessaire pour jouer jusqu’à 7. Et ça fonctionne plutôt bien, puisque la plupart des actions du jeu peuvent être réalisées en parallèle par tous les joueurs en même temps. En pratique, je vous recommande quand même chaudement d'avoir un joueur qui batte la mesure en disant assez régulièrement à tout le monde « chacun pose ses unités », « chacun prend ses revenus », etc. Cela évite permet de conserver un bon rythme et d’éviter l’enlisement.
Il y a juste un petit détail que je trouve dommage : le graphiste a trouvé opportun de mettre du rouge vif et de l'orange fluo dans les couleurs. Manque de bol, ces deux nuances sont quasiment indiscernables si vous jouez (comme moi) à l'éclairage d'une lampe à incandescence classique. Des heures de fun en perspective si vous avez des amis myopes, malvoyants, daltoniens ou amblyopes.
Hormis ce petit problème visuel, le mode à 7 joueurs fonctionne à merveille. Après tout, le principe de Paper Tales s'y prête puisque chacun fait la guerre à ses voisins de droite et de gauche seulement. Au final, peu importe si on est 4 ou 7 autour de la table. Il rejoint donc le club – assez restreint – des jeux experts jouables à beaucoup.
Pour finir, ajout d’un mode solo
La dernière nouveauté d’Au-delà des portes, c'est l'inclusion d'un mode solo bien fichu et au challenge relevé. Dans ce mode, vous devrez affronter le Roi Liche, contrôlé par le jeu lui-même. Le but du jeu ne change pas (il vous faudra être premier au score à la fin de partie) mais le déroulement d’une partie est un peu différent.
Lors de la mise en place, il faut sélectionner 4 cartes nécropole parmi les 20 fournies dans l’extension (4 cartes par tour + 1 pour le scoring de fin de partie). La rejouabilité est donc excellente puisque cela ouvre la voie à plus de 1000 configurations différentes, sans compter la variabilité induite par les cartes. Chaque carte nécropole est faite de la même manière et comprend les informations suivantes :
- Des gains immédiats que le Roi Liche va marquer au début de son tour
- Des gains liés à ses Unités, scorés après le déploiement et qui se cumulent de tour en tour
- Des gains liés au guerres, le Roi Liche disposant de 2 armées (la noire et la violette).
Le fonctionnement d'une partie est globalement le même, à l’exception des phases 1 (recrutement) et 3 (guerre) qui fonctionnent un peu différemment.
La phase de recrutement se fait toujours selon la méthode du draft. Vous prenez 5 cartes, en choisissez une et donnez le reste Roi Liche. Vous refaites la même chose avec 4 cartes, puis une dernière fois avec 3. Vous complétez votre main en prenant 2 cartes dans le tas de votre adversaire. Les 7 cartes Unités du Roi Liche lui serviront à marquer des points, en fonction des conditions écrites sur les cartes nécropoles visibles. Y compris celles qui ont été révélées les tours précédents, ce qui signifie qu’il y a un effet boule de neige qui peut piquer sévèrement dans les derniers tours.
La phase de guerre se règle avec les symboles boucliers noirs et violets présents sur la carte nécropole active, auxquelles on ajoute les valeurs de la carte nécropole du tour suivant (que vous révélez donc au passage). Chaque guerre remportée rapporte 3 points au vainqueur.
L’ensemble est bien trouvé, et mets les méninges à rude épreuve. Vous n’avez réellement de contrôle que sur 3 cartes, et il faut arbitrer entre plein de choses : est-ce que je choisis une Unité qui combotte bien avec celles que j’ai déjà ? Est-ce que je prive le Roi Liche d’une carte qui lui ramènera beaucoup de points ? Est-ce que je privilégie la force militaire, les ressources ou les gains de PV ?
Le challenge est assez relevé de base, le Roi Liche faisant souvent aux alentours des 50 points en fin de match. En général, il est devant pendant toute la partie (dans la mesure où il gagne toujours des points de 3 manière différente) et il faut judicieusement anticiper les scoring de fin de partie pour voir ce que l’on peut lâcher et ce qui sera indispensable pour une victoire au finish.
Il est possible de corser encore plus le challenge, puisque la boîte est livrée avec 4 cartes additionnelles qui donnent à chaque fois un petit avantage supplémentaire à votre adversaire. Tout est donc fait pour que le joueur ne soit pas juste là pour s’occuper gentiment pendant une petite heure, mais qu’il soit confronté à un vrai challenge qui lui demandera concentration et prise de risque. Et ça fonctionne bien.
Plus généralement, l’inclusion de modes solo est une tendance forte de l’année. Le concept de jeu de société en solitaire peut surprendre, c’est vrai, mais force est de constater que l’on commence à voir arriver plein de choses sympathiques. Et clairement, Au-delà des portes fait partie de celles-là… L’extension parvient à améliorer le jeu de base sur tous ses aspects, ce qui est une belle performance puisque que ce dernier était déjà particulièrement réussi.
La conclusion de Gaetan G. à propos du Jeu de société : Paper Tales : Au-delà des portes
Paper Tales est un excellent jeu de draft, qui sait être à la fois très accessible et plutôt finaud. Sa première extension ne cherche pas à en bouleverser les mécaniques, mais plutôt à les améliorer par petites touches. Elle ajoute de nouvelles unités et de nouveaux bâtiments, un mode de jeu solo, et suffisamment de matériel pour accueillir jusqu’à 7 personnes autour de la table. La formule fonctionne très bien, et fera le bonheur de tous ceux qui ont apprécié le jeu de base. Cependant, elle ne prend pas suffisamment de risque pour (r)amener les réfractaires autour de la table. Mais pour les autres c’est du tout bon : vous pouvez y aller les yeux fermés.
On a aimé
- Des parties jusqu'à 7 sans perte de rythme (si un joueur bat la mesure)
- La variante solo, vraiment réussie
- Augmente les combos potentiels
- Toujours aussi réussi graphiquement
On a moins bien aimé
- Pas beaucoup de prise de risque
- Une ou deux cartes litigieuses ou mal traduites
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