Critique Morse [2009]
Avis critique rédigé par Nicolas L. le jeudi 29 janvier 2009 à 16h23
Totalement envoutant
La banlieue populaire de Stockholm, un hiver, à la fin des années 70. Oskar est un jeune garçon d'une douzaine d'année. Fragile, introverti, ce préadolescent, fils d'un couple séparé, qui affiche comme principale caractéristique le fait de manger la morve qui coule en permanence de son nez, est le souffre-douleur de sa classe. Bousculé et insulté en permanence par un trio d'élèves turbulents, il rumine sa haine en plantant des couteaux dans des arbres et en s'imaginant de terribles vengeances.
Un soir, Oskar rencontre sa nouvelle voisine, Eli, une étrange jeune fille au teint maladif, qui ne va pas en classe et qui semble aussi exclue que lui. Les deux enfants sympathisent rapidement. Ils se mettent à communiquer entre eux, en utilisant le langage morse sur leur mur mitoyen.
Wow, cela faisait longtemps qu'un film fantastique ne m'avait autant accroché. Notamment lorsque le thème principal développé est le vampirisme. Cela faisait également belle lurette que je n'avais pas vu une telle richesse dans un script, avec un nombre impressionnant de niveaux de lecture. Morse - Let the Right One In, est, il faut bien le dire, une véritable expérience. Une expérience qui ne plaira pas à tous, ce film étant avant toute chose un drame intimiste, qui pourrait être accusé d'une excessive intellectualisation du mythe.
Le métrage fourmille d'idées et lance un nombre impressionnant de débats (la peur, bien entendu, mais aussi l'amour parental, l'alcoolisme, l'exclusion, l'éveil de la sensualité) en se basant sur un parti-pris : le vampirisme est une maladie. Mais attention, il ne faut pas se tromper, on évolue très loin des (parfois intéressants) développements privilégiés dans les années 80, qui établissaient des parallèles entre vampirisme, sexualité et SIDA. Non, ici, les créatures de la nuit sont des êtres qui souffrent, à la fois dans leur âme et dans leur corps. Et pour mettre cela en valeur, Tomas Alfredson récupère presque la totalité de la mythologie, en n'excluant qu'un seul détail : les dents longues, surement trop « graphiques » à ses yeux, ou trop « cliché ».
Ainsi, imprégné de cette mythologie, le vampire de Morse est un être à la fois faible et terriblement puissant. Il prend feu au soleil, dépend souvent de la volonté d'autrui pour arriver à se sociabiliser (la séquence où Eli pénètre dans l'appartement d'Oskar sans son approbation est tout simplement magnifique) et est en permanence tiraillé par une insatiable soif de sang humain. Par contre, le vampire est doué d'une force extraordinaire, de la souplesse d'un félin et capable de grimper aux parois les plus abruptes.
Mais où Morse tire son génie, c'est surtout d'avoir choisi des enfants pour établir cette relation vampire-humain. En enlevant tout le coté mature, érotique, fréquemment rencontré dans les drames vampiriques, Tomas Alfredson a réussi à construire une histoire d'amitié beaucoup plus puissante que si des liens charnels avaient été établis. Eli n'a rien d'une femme fatale, et même en tant qu'enfant, elle n'est guère gracieuse. Oskar lui trouve même une odeur désagréable. L'attachement qui lie Oskar et Eli (cet enfant qui a douze ans depuis « bien trop longtemps ») est donc bien plus qu'une simple attirance physique, c'est une sensation de complémentarité, chacun trouvant en l'autre la partie d'âme et le soutien psychologique qui lui manque.
Autre atout du film : les rôles secondaires. Présent pendant une bonne partie du film, le « père » d'Eli est bien plus que la goule servile qui sert à la fois de protection lors du sommeil du vampire et de larbin. Le rapport établi entre les deux personnages est d'ailleurs très ambigu et troublant : Eli, une enfant, affirmant sans détour son autorité sur cet homme mûr et déprimé, mais avec toujours une certaine tendresse. Une relation souvent établie dans le silence. Puis il y a les voisins, un groupe d'amis portés sur la consommation d'alcool, complètement désociabilisés, à la fois victimes du système qui les a écartés et cibles désignées du vampire. Et enfin, il y a aussi cette "excellente" relation entre Oskar et son père, qui affiche douloureusement, en milieu de métrage (dans un silence génant) sa totale superficialité.
La réalisation de Tomas Alfredson est parfaite. Très sobre, utilisant à la perfection l'atmosphère mélancolique dégagée par l'hiver suédois. On évolue à la fois dans un univers enchanteur et cauchemardesque, les frontières étant établies par les levers et couchers de soleil. Il s'attarde longtemps sur les personnages, ne lésine pas sur les gros plans, construit ses cadres sur les regards et les positionnements de mains des comédiens. Chaque prise de vue, chaque angle de caméra et valeur de cadre (ces vues sur les rues désertes, la nuit, sont vraiment réussies) est réfléchi, toujours au service de l'émotion et du romantisme sombre. On n'est pas très loin du cinéma métaphysique et dépouillé d'Ingmar Bergman, les fondus-enchainés en moins. C'est totalement envoutant.
La conclusion de Nicolas L. à propos du Film : Morse [2009]
Enorme, une véritable claque ! Voilà comment je qualifie cette magnifique œuvre de Tomas Alfredson. Film ne ressemblant à nul autre pareil, Morse – Let the Right One In est un film qui marque, à la fois de par son aspect visuel, totalement envoutant, que par son scénario (adapté d’un best seller de la littérature suédoise), qui met en avant de nombreux questionnements existentiels, tout en dégageant un très fort romantisme. Magnifique.
On a aimé
- Une réalisation géniale
- Atmosphère envoutante
- Intelligent et romantique
- Un film de vampires totalement atypique
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