Critique Boulevard de la mort [2007]
Avis critique rédigé par Nicolas L. le mercredi 23 mai 2007 à 10h20
Stuntman from Hell and Bloody Chicks
Cannes. Festival du Film. 21 mai 2007. Conférence de presse de Quentin Tarentino.
Une journaliste se lève :
« Monsieur Tarentino, est-il vrai que certains de mes collègues aient dû payer 1500 € pour pouvoir vous interviewer ? »
Assis sur l’estrade, entouré de ses amis, le réalisateur s’offusque : « Quoi ! C’est n’importe quoi, qui vous a raconté ça ? » Quand une responsable de production s’approche et lui glisse un mot à l’oreille. Quentin Tarentino devient alors blanc comme un linge sicilien, se met à bafouiller :
« Euh !! J’sais pas moi, de toute façon, je ne suis jamais au courant de rien ! Est-ce que quelqu’un a payé pour être ici ? lance-t-il, le teint blafard et la mâchoire en berne, sans réellement attendre une réponse.
Voilà, j’ai introduit ce morceau choisi (véridique et très embarrassant) pour illustrer par les faits mon impression que Quentin Tarentino ne sait plus trop où il en est, bafouille à la fois son cinéma et sa communication, et plus grave, qu’il est en train de perdre totalement son public. Il faut dire que ce cinéaste très attachant a de quoi perdre les pédales. Encensé depuis ses débuts par les critiques (qui voyaient probablement en lui le symbole de l’Amérique profonde qui réussit) et doté d’un fidèle réservoir de fans, il se croyait probablement arrivé au fait de sa gloire. Mais le bide total de Grindhouse aux USA, empiré par une baisse de son image de geek talentueux (pour devenir au yeux de certains un vulgaire producteur un peu filou) suite au éhonté marketing des Hostel, l’ont vite ramené sur Terre. Un peu trop vite peut-être.
Et, de plus, je pense sincèrement que Tarentino n’a pas réellement compris pourquoi, car Grindhouse (dont le nom reprend le concept de ces diptyques filmiques des années 70 ; deux B movies pour le prix d’un, le fameux double features) suit à la lettre les préceptes de son style cinématographique. De True Romance à Kill Bill (où à mon goût, cela commençait déjà à sentir le pâté), en passant par Reservoir Dog, Pulp Fiction ou Foxy Brown, le cinéaste s’est toujours attaché à remettre au goût du jour les vieux clichés et à rendre hommage au cinéma populaire des années 70. Oui, mais voilà, avec Death Proof (surnom des véhicules blindés destinées aux cascades cinématographiques), cela marche nettement moins bien. Pourtant, encore une fois, Tarentino utilise un scénario si mince qu’il tiendrait sur une feuille de papier OCB, encore une fois il met la gente féminine à l’honneur, encore une fois il met en scène des séquences de dialogues insignifiants - où encore une fois il n’y parle de cul et de bagnole - et encore une fois, il démarre lentement pour finir sur les chapeaux de roues. Et pour quel résultat ? Un film chiant qui ne vaut que pour son final.
Le principal problème de Death Proof, sorte de slasher movie aux parfums de Kill, Kill, Baby Kill (un film de Russ Meyer) et de Blaxploitation est sa laborieuse mise en place. Avec ses interminables lignes de dialogue, à peine drôles, et finalement saoulantes, Death Proof est pendant un bon moment aussi lourd à avaler qu’un cheeesecake rassis. On se surprend parfois à sourire, mais la plupart du temps, on a une furieuse envie de bailler à la vision de cette fiction uchronique ou les téléphones cellulaires se mêlent aux vieilles Plymouth des années 60. En fait, fidèle à ses habitudes, Quentin Tarentino veille à nous endormir (et là, pour le coup, ça ne marche que trop bien) avant de nous réveiller à grand coup de giclées de sang et de violentes poussées d’adrénaline. On connaît sa méthode et c’est en partie là que se situe le problème : on attend. On attend que ce Cascadeur Man mette une branlée aux minettes, peu importe la manière. Du moment que ça bouge !
Et c’est à partir de ce moment que cela devient jubilatoire. Avec ces deux extraits de slasher automobile, deux séquences découpées de manière géniale et montés sur une BO apte à faire planer les puristes. La première, surtout, est un rare moment de violence, avec un accident très spectaculaire dans laquelle des filles sexy se font découper en morceaux et écrabouiller leurs jolis minois. La deuxième est nettement plus longue, nettement plus imprégnée par l’esprit de Russ Meyer, avec une poursuite en bagnole excellemment filmée et dans laquelle les personnages de Kurt Russell (dans la peau de Cascadeur Man et pour une fois, dans un rôle de Bad Guy) et surtout de Zoe Bell sont très convaincants. On peut même dire qu’à cette occasion, la cascadeuse néo-zélandaise (et doublure de Uma Thurman dans Kill Bill) crève littéralement l’écran. J’aimerais franchement la revoir à nouveau dans un rôle musclé. Avec elle, pas de chichis, c’est sûr.
La conclusion de Nicolas L. à propos du Film : Boulevard de la mort [2007]
Pour résumer mes propos, je dirais que la deuxième partie, vraiment excellente, rattrape un peu les égarements d’un début laborieux au cours duquel Quentin Tarentino se contente trop de rejouer à nouveau le vide-grenier de vidéo-clubs. Malgré d’évidentes qualités narratives, Death Proof (traduit en français par le ridicule Boulevard de la Mort), au final, ne m’a guère emballé. J’y ai trop vu l’image d’un cinéaste qui n’avait presque plus rien à dire, comme s’il n’arrivait pas à dépasser ce stade d’auteur référentiel qu’il véhicule depuis ses débuts. A sa décharge, il faut signaler qu’il est vraiment dommage qu’en France, le film ait été privé de son concept de grindhouse, juste pour la thune (ce qui nous prive de plus de fausses bandes annonces d’Eli Roth et de Rob Zombie). Jusqu’alors, Tarentino agaçait ou séduisait, il entre dans la phase où il laisse presque indifférent. Et ça, ce n’est vraiment pas bon pour lui. Espérons que ce demi-echec le fasse réfléchir sur son avenir…
On a aimé
- Aspect référentiel qui va séduire les fans
- Deux séquences d’actionner extraordinaires
- Zoe Bell, une révélation
On a moins bien aimé
- Très bavard, presque chiant parfois
- Un humour qui ne fait guère mouche
- Un scénario rachitique
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