Avis sur Abyss [1989]

Dès l'adolescence, James Cameron se passionne pour les fonds marins et leurs mystères. En écrivant et en mettant en scène Abyss, il réalise donc un vieux rêve. Abyss, à l'instar de tous ses films est un projet de fou. Cameron tourne près de la moitié des séquences sous l'eau, toutes les difficultés du tournage étant alors multipliées, avec une équipe qui travaille immergée. Abyss permet à Cameron de s'octroyer la collaboration des meilleurs techniciens en effets spéciaux. A cet effet, Industrial Light and Magic de George Lucas a fait un travail magnifique et inédit. De l'inédit, James Cameron en fait son cheval de bataille. Il ose ce qu'aucun autre cinéaste ne peut tenter (comme de ose noyer l'héroïne à la place de son mari lorsqu'il n'y a plus qu'une bouteille d'oxygène pour les deux).
A ce jour, voici (à mon avis), le plus beau film, au niveau esthétique, de James Cameron. Ceci ne veut absolument pas dire que le film soit mauvais au niveau de l'action et du suspense, loin de là. D’ailleurs, tout commence en réalité comme un vrai film d'action ou de suspense. L'intrigue s'installe dès le début et l'atmosphère claustrophobique des fond marins renforce le suspense.
Mais là où le film de Cameron est remarquable, c'est qu'il parvient à tromper son spectateur. En effet, on pense assister à un film d'action conventionnel (bien que conventionnel ne soit pas un adjectif qui sied très bien à Cameron), alors que le film va se diriger vers tout autre chose. Cameron se sert d'action et de suspense pour délivrer un message, qui n'en prend que plus d'importance. La deuxième partie du film est d'ailleurs là pour le prouver.
Tout d’abord le film tend vers une sorte d’anti-militarisme à peine masqué, mais on retrouve surtout un autre aspect, cher au films de Cameron : On avait déjà pu voir Sarah Connor opposée au Terminator, Ripley opposée à aux Aliens, et ici on a Lindsey opposée à Colley. Les femmes des films de Cameron sont fortes, et ne se laissent pas emmerder. Ceci nous vaut d'ailleurs de très jolies scènes.
Abyss est donc un film d'action mais également, et peut-être davantage, l'histoire d'un couple, très bien interprété par Mary Elizabeth Mastrantonio et Ed Harris dont le mariage est devenu un naufrage. Les deux époux, au fil des épreuves, vont réapprendre à s'apprécier et finalement recoller les morceaux. Par certains aspects, Abyss prend même l'allure d'un film intimiste, emprunt, par instants, d'une grande poésie.
Abyss est efficace et nombre de scènes captivent : l'investigation de l'épave du sous-marin, la poursuite entre les engins sous-marins, la longue descente de Bud dans l'abysse. La beauté des images est soutenue par une musique d'ambiance sublime. Cameron nous étale encore dans ce film, tout son savoir-faire, et nous livre des scènes d'une beauté surprenante. Et c'est d'ailleurs tout le mérite de Cameron que de parvenir à concilier beauté des images avec film d'action. C'est ce qui fait qu'à aucun moment on ne s'ennuie, et que le film est très prenant.
A ce sujet, bien des gens condamneront la fin du film, jugeant que Cameron fait preuve d'une trop grande naïveté lors du dénouement au happy-end immensément gentil.
Gros échec financier aux Etats-Unis, ainsi qu'en France, le film ne méritait sûrement pas un tel accueil. Certes, le film est sorti à peu près en même temps que Indiana Jones et la dernière croisade, et cela a du jouer dans la balance.