Critique Tokyo Jungle [2012]

On le sait, dans n'importe quelle industrie, quand on a affaire à des productions plus modestes en termes de moyens comme d'ambitions commerciales, on peut trouver des projets un peu fous comme Tokyo Jungle.

Sorti entre le printemps et l'automne 2012 dans le monde, Tokyo Jungle est un projet qui n'a pas laissé une trace durable dans le paysage vidéoludique malgré l'appui de l'éditeur/constructeur Sony. Il s'agit d'un projet venu du Japon au sein du studio éphémère Crispy's (trois jeux entre 2008 et 2014) et du réalisateur Yohei Kataoka autour de deux concepts assez accrocheurs : un monde sans humain et les animaux. Où plutôt une ambiance post-apocalyptique où la nature a repris ses droits à Tokyo et où des animaux aussi familiers qu'improbables survivent dans cette mégalopole débarrassée de l'humanité. Tokyo Jungle fut ainsi annoncé dès 2010 et fut développé, non sans quelques soucis, par une petite équipe de 24 personnes avec l'aide de l'immense Japan Studios.

A première vue, Tokyo Jungle ne comporte pas vraiment d'histoire mais plutôt des aventures dans une ambiance bien particulière. Nous sommes apparemment dans les années 2030 alors que les êtres humains semblent s'être volatilisés de la Terre. A Tokyo, on incarne différents types d'animaux (carnivores et herbivores) devant survivre dans une cité en partie détruite où la nature a repris ses droits. Il y a un mode histoire divisé en plusieurs chapitres qui permettra d'incarner différents héros dans de courtes histoires que cela soit un Loulou de Poméranie devant apprendre à survivre, un Beagle dépossédé de son territoire ou une hyène au service de lions violents. Il y a aussi un mode survie où l'on peut trouver des fichiers qui nous racontent peu à peu ce qu'il s'est passé. Ces fichiers et les derniers chapitres du mode histoire nous plongent finalement dans un pur récit de science-fiction qu'on vous laisse découvrir.

Comme il a été dit, Tokyo Jungle est avant-tout une ambiance, un projet original qui nous propose d'incarner de nombreux types d'animaux aussi communs que des chiens (différentes races) que des chats ou plus exotiques comme des hyènes, de grands félins voire carrément des animaux préhistoriques ou des dinosaures. Le tout dans plusieurs quartiers de Tokyo plus ou moins bien conservés. Avant de parler plus en détail du mode survie, revenons sur le mode histoire. Les différents chapitres proposent donc différentes intrigues (souvent divisées en plusieurs chapitres) qui permettent de raconter avec un humour léger les péripéties de ces animaux passant d'une ambiance post-apocalyptique à de la SF via deux derniers chapitres très surprenants. Rien de bien inoubliable dans l'ensemble mais quelques scénettes agréables qui permettent de scénariser un jeu qui pouvait aisément s'en passer.

Vous l'aurez compris, l'attrait principal du titre est déjà de nous faire contrôler de nombreux animaux mais aussi d'explorer comme de survivre dans des décors urbains vides d'humains mais remplis de vestiges de leur présence. Vestiges qui sont par ailleurs rongés par la verdure. On est ainsi lâché dans cette ambiance sauvage où l'on côtoie différentes espèces animales pouvant autant être des proies que des prédateurs offrant souvent de sympathiques moments quand on incarne de simples chiens tentant d'attaquer une énorme vache pour en faire son repas voire un tigre même si les logiques sont souvent respectées : attaquer un éléphant avec un chat risque très certainement de mal se terminer. Il est néanmoins dommage que les graphismes comme l'aspect purement technique soit aussi dépassés même pour un jeu PS3 dématérialisé de 2012. Sans être moche, l'ensemble reste assez simpliste et terne avec des animations certes propres à chaque animal mais rien de bien transcendant.

Le principal problème de Tokyo Jungle est le sentiment que les équipes de Crispy's ont eu une bonne idée mais qu'ils n'ont pas vraiment su quoi faire avec. Ou alors ils n'en avaient pas les moyens. Le cœur du jeu est ainsi le mode survie qui s'avère néanmoins très répétitif. D'abord, et ce malgré un tutoriel, le jeu est assez avare dans l'explication de ses logiques comme de sa progression puisque le mode survie permet non seulement de débloquer les chapitres du mode histoire (en trouvant des archives sachant qu'il en faut trois pour un chapitre) mais aussi les nouveaux animaux via des défis bien précis. De plus, la carte n'est pas très précise et il faudra apprendre via des sessions successives comment survivre au mieux et décrocher le plus de points à chaque partie. En effet, les points permettent d'acheter les animaux que l'on a débloqué (un principe un peu ridicule...) mais aussi des accessoires pour améliorer les capacités de nos héros tout en leur donnant souvent une apparence rigolote.

L'ensemble s'avère au final aussi fastidieux que cruellement répétitif. Il n'y a que deux animaux jouables au début (le Loulou de Poméranie et le Cerf sika) et toujours dans les mêmes décors que l'on doit inlassablement traverser avec leurs points de territoires à marquer toujours au même endroit. Contrôler un territoire permet ainsi de se reproduire et donc d'avoir une descendance parfois plus apte à survivre. Mais se farcir toujours les mêmes lieux avec des animaux différents lasse un peu pour un titre qui aurait tellement mérité d'être un rogue-like. De plus, il faut souvent enchaîner les parties pour enfin débloquer un animal ou débloquer le mode histoire. On apprécie néanmoins certaines sessions quand on devient une véritable terreur avec un prédateur ou en étant un as de l'infiltration avec un herbivore. Marquer des territoires, avoir une descendance nombreuse et forte, réussir à bien se nourrir pour éviter la mort ou encore attaquer en meute des animaux impressionnants réussissent à rendre le jeu attachant. Surtout qu'il est jouable en coopération locale ce qui est toujours très agréable. Si vous accrochez vraiment au titre, sachez qu'il vous faudra une bonne quinzaine d'heures pour finir le mode histoire et bien plus si vous voulez débloquer tous les animaux. Le tout contre 13 euros.