Critique Migration [2023]

Critique de la version française.

Depuis 2010 et la sortie de Moi, Moche et Méchant, l'association entre Illumination et Universal est devenue un acteur majeur du cinéma d'animation en images de synthèse comme Migration le prouve une nouvelle fois.

Les studios d'animation Illumination (appartenant à Universal) sont d'abord l'oeuvre de l'Américain Chris Meledandri qui en tant que producteur a autant travaillé sur des adaptations (Le Lorax, Le Grinch,Super Mario Bros. le film et son succès monstre) mais aussi des projets originaux devenus des franchises rentables comme Moi, Moche et Méchant, Comme des Bêtes, Tous en scène et donc Migration. Derrière ce projet, il y a la volonté de travailler avec le réalisateur français Benjamin Renner qui s'est fait un nom avec ses films en animation traditionnelle que sont l'excellent Ernest et Célestine et Le Grand Méchant Renard et autres contes.... Le défi était d'apporter sa sensibilité artistique sur un projet totalement réalisé par ordinateur pour sa première production américaine. Il y développe une histoire en compagnie de l'Américain Mike White (spécialiste des comédies et qu a notamment écrit Le Monde secret des Emojis) autour d'une famille de colverts qui va réaliser sa première grande migration hivernale. Il est aussi secondé par Guylo Homsy (crédité en tant que co-réalisateur) plus rompu aux productions 3D ayant travaillé sur de nombreux projets du studio. Renner avait pour ambition de créer un divertissement familial s'inspirant notamment de Little Miss Sunshine en ce qui concerne les dynamiques entre ses personnages tout en embrassant complètement un aspect cartoon dans l'humour proposé. Le film fut principalement produit au sein des studios parisiens de Illumination avec un budget autour de 75 millions de dollars pour une sortie fin 2023 où le film reçu un accueil critique et public positif.

Le métrage se déroule aux Etats-Unis et nous présente la famille Colvert, des canards vivant paisiblement sur leur étang. Il y sont un peu contraints car le père, Mack, tente d'inculquer une peur bleue de l'extérieur à ses enfants, son fils Dax et sa fille Gwen. Au grand désespoir de sa femme, Pam, qui commence à trouver l'attitude ultra-protectrice de son mari un peu trop étouffante. Cela s'accentue quand des canards en pleine migration vers la Jamaïque font une escale sur l'étang impressionnant beaucoup la famille qui souhaite les imiter sauf Mack qui rejette l'idée en bloc. Il se rend néanmoins à l'évidence que son attitude pourra lui faire perdre les siens et accepte finalement de se lancer dans l'aventure. Les quatre membres de la famille accompagnés du vieil oncle Dan partent donc pour cette périlleuse aventure où ils vont devoir affronter les intempéries, les prédateurs mais aussi le monde des humains dont leurs grandes villes... De péripéties en péripéties et de rencontres en rencontres, les dynamiques au sein de la famille vont se retrouver bouleversées.

Sans suspense, Migration est une réussite à qui on pourra surtout reprocher son classicisme à tous les niveaux notamment dans son scénario. On est rapidement conquis par cette famille de colverts aussi unie que capable de se diviser notamment à cause des peurs du père. Evidemment le voyage va entraîner des évolutions et de nouvelles dynamiques dans les traits de caractère de chacun ce qui permret au film un supplément d'émotion tant on s'attache aux différents héros. Chacun à sa manière démontrant la qualité des personnages avec ceux secondaires tout aussi marquants. Cela permet de développer la thématique principale du film qui est d'affronter pleinement la vie qui peut certes parfois faire peur mais dont les bénéfices sont incroyables. Notamment quand on parle d'une cellule familiale qui ne peut vivre renfermée sur elle-même. Encore une fois très classique mais terriblement bien fait. On pense inévitablement au Monde de Némo à ce niveau mais aussi parce que le film fonctionne grâce à l’enchaînement de ses péripéties et des rencontres plus ou moins amicales que l'on suit comme de mini-aventures toujours très divertissantes. On sera peut-être plus critique sur la création d'un antagoniste principal qui n'était pas réellement nécessaire cassant un peu le rythme d'un film fonctionnant alors comme fuite en avant...

Malgré cet accroc, l'intrigue fonctionne parfaitement afin de concocter un divertissement familial qui parlera à tout le monde. Notamment dans son humour très cartoon toujours efficace et très diversifié dans ses registres. Le décalage entre la vie paisible de la famille propulsée dans des environnements qu'elle ne connaît pas fonctionne très bien tout en jouant beaucoup sur l'idée de départs en vacances et leurs aléas. Pour ce qui est de l'aspect fantastique de l'oeuvre, on pense encore une fois au Monde de Némo ou à Comme des Bêtes pour citer une production maison : à savoir un univers réaliste du point de vue des humains où des animaux vivent des aventures en ayant des caractéristiques humaines. La direction artistique du film souligne cette idée avec un certain photoréalisme dans les décors comme dans la création des animaux que les animateurs vont ensuite passer à la moulinette cartoon dans leurs mouvements et expressions faciales. Une direction artistique qui sert complètement le propos du film en transformant des lieux assez communs comme étant effrayants pour la famille : un lac sous la pluie où la brume au-dessus de New-York. Mais le film sait aussi laisser place à l'émerveillement lors de nombreuses scènes que cela soit la quiétude automnale de l'étang, les cieux symbole de liberté avec leurs nuages cotonneux ainsi que d'autres environnements qu'on vous laisse découvrir.

La beauté du film en met plein les yeux à de nombreux moments car la production est techniquement impressionnante démontrant la qualité du travail d'Illumination. Sûrement encore un cran en dessous de ce que peut faire Pixar, le métrage offre un travail sur l'eau ou sur les plumes d'oiseau assez bluffant. Tout cela au service d'un travail d'animation de très grande qualité qui mélange parfaitement les caractéristiques des animaux représentés avec des expressions faciales très humaines. Le meilleur exemple étant le héron Erin qui passe d'un animal inquiétant quand il se fixe à une sorte de mamie gâteau dans ses interactions avec les enfants. Ces derniers sont aussi un bon exemple de la qualité globale du métrage que ce soit Dax en forme d'adolescent dégingandé ou Gwen en jeune enfant/caneton à croquer. Cette réussite est évidemment le fait de Benjamin Renner qui a su insuffler un excellent sens du rythme à son métrage et qui sait aménager des pauses où les interactions des personnages vont nous attendrir comme il l'avait prouvé avec Ernest et Célestine. Globalement sa mise en scène reste très efficace et assez dans le ton des divertissements familiaux actuels. En ce qui concerne le casting vocal français, là aussi le classicisme fait encore ses preuves entre des acteurs confirmés tels que Pio Marmaï (Mack) et Laure Calamy (Pam) pour les personnages principaux tout en étant entourés de comédiens de doublage qu'on aime entendre. Le tout pour un résultat très satisfaisant.

On vous le conseille si vous aimez Le Monde de Némo, Comme des Bêtes, Ernest et Célestine...