Critique Les Enfants du temps [2020]

Le cinéma d'animation japonais repose sur de grands noms à commencer par les incontournables Hayao Miyazaki et Isao Takahata (ainsi que leurs collègues des Studios Ghibli) ayant ouvert la brèche pour d'autres pointures comme Satoshi Kon ou Katsuhiro Otomo. Une liste de cinéastes géniaux qui s'est étoffée depuis le début du XXIème siècle d'autres noms comme ceux de Mamoru Hosoda ou encore Makoto Shinkai.

Cet homme au talents multiples, né dans les années 1970, se fait remarquer au tournant des années 2000 grâce à des cours/moyens-métrages dont les très beaux The Voices of a Distant Star (2002) ou The Garden of Words (2013). Pour ce qui est des longs-métrages on lui doit d'abord des œuvres restées plus confidentielles comme La Tour au-delà des nuages (2004) ou Voyage vers Agartha (2011) avant qu'il ne connaisse un triomphe critique comme public avec Your Name. en 2016. Une réussite telle qu'il s'agit encore aujourd'hui d'un des films d'animation japonais ayant le plus rapporté dans le monde. Les Enfants du temps fait donc office d'oeuvre devant suivre un incroyable phénomène. Comme à son habitude, Makoto Shinkai est à toutes les étapes de la production puisqu'il est crédité en tant que scénariste (il signe même la novélisation de son film), story-boarder, réalisateur et monteur. Il y a quand même quelques fidèles à ses côté comme le character designer et les compositeurs (le groupe Radwimps) que l'on retrouvait déjà au générique de Your Name. La production débuta en 2017 et dura deux ans se terminant même seulement une dizaine de jours avant la sortie japonaise en juillet 2019 précédant une sortie française début 2020. Si Les Enfants du temps ne connut pas un succès à l'échelle de Your Name., il fut quand même très bien accueilli tout en récoltant près de 200 millions de dollars au box-office mondial pour une mise de 10 millions...

Le film se déroule durant l'été 2021 à Tokyo alors que l'on suit les déboires d'un adolescent fugueur Hodaka Morishima, venant tenter sa chance dans la capitale. Ses premiers jours sont très difficiles car personne ne veut l'engager et que son maigre pécule rétrécit de jour en jour l'empêchant de se loger comme de se nourrir. De plus, la ville est en proie à de fortes pluies discontinues loin des normales saisonnières. Il réussit néanmoins à trouver un job d'assistant/homme à tout faire auprès de Keisuke Suga, éditeur de journaux spécialisés dans les phénomènes sois-disant surnaturels aidé de l'étudiante Natsumi. C'est durant un reportage que Hodaka apprend l'existence de la légende des filles-pluies et des filles-soleils pouvant agir sur le temps. Lors de ses moments de galère, il avait reçu l'aide bienveillante de l'adolescente Hina Amano qu'il décide de sauver quand il la croise avec des hommes voulant abuser d'elle. Les deux jeunes se lient ensuite d'amitié permettant à Hodaka de découvrir que Hina est une fille-soleil possédant le pouvoir de convoquer des éclaircies mais aussi qu'elle est orpheline ayant la lourde charge de son petit-frère. Ils décident alors de vendre les services de Hina pour tout événement souhaitant un peu de soleil. Alors que Hodaka développe de réels sentiments pour Hina, cette dernière commence à comprendre que son pouvoir peut aussi s'avérer être une malédiction...

Comme souvent dans son œuvre, Makoto Shinkai met en scène une romance adolescente allant cette fois-ci de pair avec un message écologique. Ce dernier apparaît plus vers la fin du métrage tandis que la découverte de l'amour est vraiment au cœur du récit initiatique de Hodaka. Un amour adolescent assez pur avec une belle naïveté intransigeante, ses moments simples et touchants mais aussi son égoïsme qui rejoint là le message écologique du film. Cela vient évidemment de la pluie constante durant le film (confinant par moments au déluge) et du pouvoir qu'à Hina d'agir sur le temps. Le film devient passionnant justement quand il présente le débat sur le fait laisser faire la nature capricieuse ou sauver les êtes humains face aux catastrophes naturelles. Enfin, le film nous montre une Tokyo à la beauté froide où les différents personnages principaux du film sont d'abord des âmes seules dans la ville la plus peuplée du monde semblant les éloigner de son faste comme de ses grattes-ciels. Pour ce qui est du déroulé du scénario, l'ensemble s'avère très classique et plaisant à suivre avec une excellente monté en tensions quand tous les enjeux se recoupent habilement. On pourra peut-être reprocher à ce film de 110 minutes, une première demi-heure un peu longue et un épilogue avec ellipse qui fait un peu doublon explicatif alors que la fin suffisait amplement.

Les Enfants du temps est un film absolument sublime. Certes la direction artistique n'est pas des plus originales mais elle est fait avec une telle maîtrise qu'on lui pardonne. Rien que les plans larges sur la ville de Tokyo sont incroyables de beauté tant la ville se révèle aussi froide qu'implacable. Tous les décors du film sont magnifiquement détaillés par les artistes du studio CoMix Wave Films permettant d'offrir plus de chair à cette animation 2D. Cela renforce l'excellent travail d'animation rendant toujours attachant les personnages du film avec une excellente gestion de l'eau que cela soit la pluie ou ses conséquences (inondations ect...). Là où le film se distingue le plus c'est quand il met en scène la légende de la fille-soleil avec des environnements plus oniriques et fantastiques vraiment beaux. C'est dans ses moments que la réalisation de Makoto Shinkai se fait la plus palpable avec une excellente utilisation de la musique de Radwimps (de la pop-rock très efficace). Il démontre un réel sens du montage permettant d'offrir un excellent rythme à la fin de de son film histoire d'accentuer une montée en tension riche en émotions. Il faut néanmoins avouer que quelques effets 3D font parfois tâche ayant du mal à se mélanger avec l'animation 2D. Enfin, le casting vocal japonais est excellent en restant toujours dans le ton de cette belle histoire aux accents doux-amères.