Entretien avec Laurent Rambour, chef des Editions du Troisième Oeil
Généralissime Agent Spatio-Temporel Laurent Rambour du JdR Valérian au rapport !
Il s'agit de l'évènement qui a probablement le plus marqué ce premier trimestre 2019 : la cultissime BD Valérian va être adaptée en jeu de rôle. Ce sont Les Editions du Troisième Oeil qui s'y collent et, au vu des premiers résultats du financement participatif, tout semble indiquer que le public répond présent. Cela nous a donné envie d'en savoir, ce pourquoi nous avons posé quelques questions à Laurent Rambour, rôliste devant l'éternel, mais également éditeur de ce futur jeu.
Attention: toutes les images et illustrations, présentées ici en avant première pour SciFi-Universe, ne sont que des prototypes qui ne sont pas contractuelles et seront probablement modifiées ou pas.
SFU : Bonjour Laurent. Peux-tu te présenter à nos lectrices et lecteurs qui ne te connaîtraient pas.
Laurent Rambour : Bonjour à toi, tes lectrices et lecteurs. Je suis ce que l’on appelle très pompeusement un créateur et éditeur de jeux de rôle, des jeux de société de construction d’histoires. Je me considère plus comme un créateur indépendant qui s’autoédite, mais qui ne refuse pas de se faire plaisir avec les jeux de quelques personnes de qualité et de bonne compagnie, ainsi que de jeux étrangers. Pour ce qui est de mon bagage protoculturel, j’ai été élevé aux comics américains édités par LUG ou Arédit, à Star Wars, puis au cinéma fantastique gore, et enfin aux jeux de rôle. À 49 ans j’ai mené plusieurs vies : guitariste de hard rock sans avenir, fonctionnaire blasé, puis ingénieur thermicien et chef d’agence à deux doigts du burn-out dans le privé. Il y a dix ans j’ai failli calancher à cause d’une embolie et d’un truc plus vilain, alors en sortant de l’hôpital j’ai fait mon bilan personnel et j’ai tout chamboulé pour vivre un petit bout d’aventure dans ce qui me plaisait, tant qu’il était encore temps : le jeu de rôle. Je ne connaissais strictement rien au milieu de l’édition, alors j’ai bluffé et je me suis débrouillé ensuite pour savoir-faire en travaillant sans compter mes heures ni calculer les contraintes, en gérant un maximum de choses par moi-même (par manque de budget) et en apprenant essentiellement de mes erreurs. Rien d’extraordinaire en somme. En 2009 mon épouse a créé Game Fever, un site marchand de jeux vidéo, puis Game Fu, une boutique physique, je me suis donc lancé en éditant pour elle. En décembre 2017, l’entreprise a déposé le bilan alors que l’édition était plus rentable que la revente de jeu vidéo. J’ai aussitôt monté ma propre structure pour boucler les projets inachevés et voir si mon activité (Les éditions du Troisième Œil) avait un quelconque avenir.
Depuis 2009, j’ai édité, traduit, créé ou collaboré aux jeux suivants : Panty Explosion VF (autoédition), Dés de sang, Luchadores 1ère édition, Devâstra Réincarnation 2ème édition (et bientôt V3), Space Adventure Cobra, Wulin 1ère et 2ème édition, Vampire City, One%, Feng Shui 2nd Edition, Kabbale. Aujourd’hui c’est Valérian (pour un long moment) et je viens de signer la VF de Over The Edge 3 de chez Atlas Games (Conspirations pour la première VF).
SFU : Ton dernier projet le JdR Valerian est un projet participatif qui se termine dans quelques jours sur Ulule ! Peux-tu nous le présenter ? Donne-nous quelques exemples concrets.
Laurent Rambour : Oui, il s’agit de l’adaptation de la BD Valérian et Laureline en jeu de rôle, une forme de jeu de société de construction d’histoires et d’aventures dans l’univers de SF emblématique français. Le jeu se constitue principalement d’un superbe livre illustré qui explique comment jouer, décrit l’univers et comment l’utiliser dans le jeu, ainsi qu'une histoire prête à jouer. Ce livre de base est accompagné d’accessoires optionnels comme un écran de jeu pour poser l’ambiance et résumer les règles afin de s’y référencer rapidement en cours de jeu. Il y a aussi des dés spéciaux au design des héros. Une édition spéciale limitée dédiée à Laureline est également proposée pour les gens qui aiment l’héroïne et les beaux ouvrages. Différents bonus exclusifs aux précommandes sont proposés, comme la carte spatio-temporelle et un livre bonus comprenant plusieurs aventures prêtes à jouer et des aides de jeu sur les vaisseaux. D’autres choses sont encore à débloquer, mais l’opération est un franc succès. C’est une très bonne chose pour aider à faire découvrir le loisir et redécouvrir la BD.
SFU : Comment est né ce projet ? Et comment travailles-tu, toi et l'équipe du projet Valerian ?
Laurent Rambour : J’ai initié le projet Valérian en août 2017 après avoir vu le film de Luc Besson, qui m’a replongé quelques décennies en arrière dans mes rêveries de gamin, et donc les BD de Valérian et Laureline. En sortant de la projection, mon épouse a tout de suite lu mon regard et m’a dit de foncer. Alors, excité comme un sale gosse, j’ai monté le projet, le business plan, et j’ai contacté les ayants droit. À l’époque je travaillais sur Wulin de Nicolas Henry. Ce jeu signait une évolution esthétique significative de la qualité de ma production, j’ai donc présenté le travail en cours. Je suppose que mon expérience et probablement le fait d’avoir travaillé sur des licences comme Space Adventure Cobra a aidé à convaincre. Les éditions Dargaud ont donné très rapidement leur accord, il a fallu ensuite gérer la partie contractuelle sur plus d’une année. Enfin, il a fallu élaborer les prototypes graphiques, point crucial aux yeux de mes interlocuteurs. Fort heureusement, j’ai pu m’appuyer sur le professionnalisme de Josselin Grange, un infographiste/illustrateur avec qui je collabore régulièrement. Josselin comprend parfaitement les difficultés d’exploitation d’une licence. C’est un bosseur acharné et talentueux. Nous avons épluché toutes les illustrations des vingt-trois albums et avons essayé de trouver des compositions intéressantes. La difficulté réside dans le fait que les vignettes des BD ne sont pas toutes exploitables, et ceci pour diverses raisons : présence de bulles, taille ou définition insuffisante, posture inadaptée… Nous avons travaillé sur plusieurs prototypes, en ajoutant quelques détails, mais nous avons finalement dû travailler uniquement sur le matériel créé par Jean-Claude Mézières. Nous avons donc recommencé jusqu’à obtenir le meilleur que ce qu’il était possible d’obtenir. Cela ne reflète pas forcément les fantasmes des fans, mais si travailler sur une telle licence a quelque chose de magique, cela comporte aussi de nombreuses contraintes tout à fait légitimes au regard des droits d’exploitation. Je tiens à souligner que mes interlocutrices chez Mediatoon (agence de gestion des droits) ou Dargaud sont vraiment à l’écoute et font tout ce qu’il est possible de faire pour que le projet avance dans les meilleures conditions possibles tout en respectant les droits des auteurs. Par expérience, c’est une chance qu’il faut apprécier à sa juste valeur. Le Japon, par exemple, est beaucoup moins conciliant et impliqué. Être soutenu de la sorte est très réconfortant.
Mais si la forme est importante dans ce type de projet, il ne faut absolument pas négliger le fond, je l’ai un peu appris à mes dépens sur la première édition de Space Adventure Cobra, d’autant plus que le temps m’est contractuellement compté : le jeu doit être publié en 2019 quoiqu’il arrive. J’ai donc décidé de ne prendre aucun risque inutile et d’engager des collaborateurs parfaitement fiables, comme Vincent Lelavechef pour la rédaction de l’univers sur la base des informations que je collecte. Vincent a collaboré sur deux prochains suppléments de ONE% à paraître (Boston et Russie), j’ai donc pu apprécier ses qualités et son professionnalisme. Il a pour moi porté le jeu à un niveau bien supérieur, tant sur le style que l’exploitation ludique, donc quand il m’a demandé de participer à Valérian, je n’ai pas hésité une seconde (je l’ai juste fait un peu poireauter histoire de faire mon intéressant).
Ensuite, comme je dois aussi gérer d’autres dossiers, comme boucler le jeu Kabbale, j’ai recruté des scénaristes expérimentés qui puissent à la fois faire des propositions intéressantes, tout en respectant l’esprit de la BD ainsi que les contraintes que j’impose, notamment sur l’aspect philosophique, humaniste ou sociétal. Valérian est pour moi l’occasion d’aller beaucoup plus loin dans la portée des scénarios : intégration des agents (PJ) dans l’univers avec une réelle implication, développer des thématiques reflétant des problématiques modernes (ce que fait la BD depuis des décennies), et une certaine forme de poésie rétro SF. Pour te donner un exemple, beaucoup de joueuses et joueurs se rappellent d’un jeu comme Maléfices (réédité par mon aimable collègue Arkane Asylum Publishing) grâce à la qualité de ses scénarios qui ont marqué les esprits et les imaginations, plus que le système de règles. J’ai la faiblesse d’espérer quelque chose comme ça pour Valérian : que les gens puissent passer un excellent moment grâce à l’intérêt des textes et des idées. J’ai lancé des sessions de recrutement et parmi les candidats, j’ai retenu Benjamin Diebling (qui travaille pour Quantic Dream – Detroit Become Human) qui s’occupe du scénario du livre de base. Celui-ci n’est pas exactement un scénario d’initiation, mais il est tellement en adéquation avec la BD et bien pensé d’un point de vue « scénario de JdR » qu’il m’a semblé évident que sa place était dans le livre principal. Je connais Benjamin depuis la publication de Luchadores 1ère édition, il est créatif et sérieux, alors quand il m’a demandé si je cherchais un scénariste, j’ai immédiatement pensé qu’il avait entièrement sa place dans le projet. Ensuite j’ai demandé à Alexandre Durand, un scénariste avec qui j’ai collaboré sur Space Adventure Cobra, s’il voulait rejoindre l’aventure. C’est le seul scénariste que j’ai démarché. J’ai beaucoup d’estime pour lui et je sais qu’il fait les choses avec une réelle passion et une vision cinématographique qui pose l’ambiance. Il a accepté et m’a présenté Aurélien Alerini, un philosophe rôliste inspiré et motivé, qui a auparavant travaillé pour Lanfeust Mag. Ce jeune homme est doté d’une forme d’intelligence audacieuse qui me parle, et j’étais vraiment curieux de la touche philosophique qu’il pourrait apporter au projet. Enfin, j’ai retenu aussi Guillaume Herlin, une vieille connaissance (sur Némédia, édité à l’époque par la Boîte à Polpette) que j’avais perdue de vue et qui anime Rôliste TV. Lorsqu’il m’a contacté, tardivement, après les sélections, pour rejoindre le projet, il m’a fallu échanger que brièvement sur les réseaux sociaux pour comprendre que nous étions sur la même longueur d’onde et que par conséquent il avait effectivement sa place à bord.
Depuis le lancement du financement participatif, j’ai reçu beaucoup d’autres candidatures, mais une a particulièrement piqué ma curiosité : une auteure (l’équipe maque cruellement de femmes, j’avoue avoir été un peu déçu de ne pas avoir de candidatures féminines pour les textes de Valérian) basée aux USA et qui travaille pour d’autres éditeurs de jeux de rôle là-bas. Je vais voir comment continue d’évoluer le financement, mais je me dis que ça serait vraiment bien qu’elle puisse participer sur la gamme. J’ai aussi une autre personne en tête, professionnelle, très fan de la BD, et pour qui j’ai beaucoup d’estime. Mais elle exprime plutôt son talent dans l’illustration et il m’est malheureusement impossible de lui confier une mission de cette nature. Toutefois, je me dis que dans la mesure où elle est aussi auteure (nouvelliste), peut-être pourrait-elle apporter une touche particulière, une thématique de genre intéressante à traiter dans Valérian. À voir…
Enfin, dans la mesure où je prends en charge l’élaboration des règles, qui, dans mon idée, doivent répondre à la fois aux débutants aussi bien qu’aux vétérans dans un juste milieu, j’ai demandé à Farid Ben Salem d’être mon consultant. Farid a une vision intelligente du jeu, des ouvertures qu’il propose et des applications originales destinées au grand public. Son avis pour trouver un juste milieu entre accessibilité et intérêt de jeu est donc important. Par chance, toute l’équipe participe et donne son avis sur mes propositions afin de trouver le bon équilibre. Nous ne sommes pas d’accord sur tout, mais les discussions alimentent les réflexions. Pour présenter le jeu lors du financement participatif, j’ai élaboré plus d’une dizaine de versions. De la plus simple à la plus exotique. Chacune d’entre elles m’a permis d’avancer sur certains points, de trouver des idées intéressantes pour simuler les codes de la BD. La phase R et D fut donc très intense. La partie la plus difficile du logiciel étant de trouver le bon niveau de complexité pour garantir à la fois une fluidité et une cohérence avec l’œuvre, une progression suffisante des personnages et de la surprise narrative. J’ai donc décortiqué les codes de la BD pour essayer d’extraire des axes de réflexion sur lesquels m’appuyer pour résoudre cette équation toujours un peu insatisfaisante, car liée aux goûts et tendances. Il reste des réglages, mais le socle est solide et efficace.
Pour terminer, Aka Fioroni est notre relectrice. La seule femme de l’équipe pour l’instant, il faut donc en prendre soin. Travailler avec elle est un plaisir et une assurance quant à l’efficacité des corrections textuelles, un point crucial de l’édition de jeu de rôle.
Voilà pour ce qui est de la genèse de ce fascinant projet dans les grandes lignes.
SFU : Le JdR sera-t-il fidèle aux BD originelles ou avez-vous reçu des consignes spécifiques pour ce JdR ?
Laurent Rambour : Le jeu sera fidèle aux BD originelles, et rien d’autre. Il n’est contractuellement pas possible d’utiliser ce qui relève des droits de la série animée ni du film qui sont régis par d’autres licences d’exploitation. C’est déjà une chance d’avoir obtenu celle de la BD. Je suis aussi convaincu qu’il n’est pas souhaitable de mélanger les références, les fans sont assez pointilleux sur ce sujet. Les BD sont l’essence de l’œuvre, le reste, ce n’est que du produit dérivé qui n’a, par définition, pas la même authenticité. Même le jeu de rôle, quand bien même nous nous efforçons d’être le plus fidèles possible à l’œuvre originelle, ne sera qu’un produit dérivé. Valérian c’est Pierre Christin et Jean-Claude Mézières, et aucun autre intermédiaire.
SFU : A quel niveau interviens-tu dans la conception du jeu ?
Laurent Rambour : J’interviens à tous les niveaux : contractuel, communication, création des règles et des designs (dés, couvertures, mise en page, écran…), structure des scénarios, traitement des éléments clés de l’œuvre, corrections, etc. Je mâche le travail, je donne des directives et quand je peux, je délègue. Exposé ainsi, cela fait très égocentrique, mais en réalité, les raisons sont beaucoup plus pragmatiques : je suis à plein temps, entre 10 et 14 heures par jour, 6 jours sur 7 et les responsabilités m’incombent. C’est épuisant, parfois ingrat (je ne suis jamais satisfait de mon travail), mais tant que la structure n’aura pas pris son envol financier, je dois essayer de gérer au mieux le budget et cela passe forcément par une polyvalence et l’apprentissage progressif de chacun des postes clés. Par exemple, les collègues pourront te parler de mes légendaires brouillons pour les designs : j’ai des idées, mais aucun talent d’illustrateur, donc je réalise des patchworks à partir d’images prises sur le NET, que je détoure et place pour composer un brouillon par collage sous Photoshop. Je montre ensuite à l’artiste qui me dit ce qu’il en pense et réalise une version pro en s’en inspirant et en rajoutant sa propre touche. Dans certains cas, avec des collaborateurs avec qui le courant passe bien, il me suffit d’un simple échange sur Facebook pour lui passer commande et obtenir exactement ce que j’ai en tête, mais en plus beau (ou glauque selon le jeu).
En réalité, c’est un réel travail d’équipe que j’essaie de conserver, car un jeu de rôle est une œuvre (pardon pour le terme un peu pompeux) participative. Dans mon idée, elle ne doit pas être le fruit d’une seule personne, car elle doit être modelée et modulable pour que les joueurs puissent s’en approprier le plus aisément. Cela est valable même pour les projets plus intimistes. Un jeu de rôle est un enfant ingrat et fugueur, mais ce n’est qu’ainsi qu’il prend sa réelle dimension. Voilà peut-être pourquoi il m’en faut un nouveau ensuite, tant que la clientèle m’accordera de poursuivre cette aventure. Un jeu réussi vit sa vie sur les tables, pas les étagères, et les traces qu’il laisse dans l’imaginaire, sa véritable raison d’être, sont intangibles et éphémères. À la fin des fins de tout ce travail, il ne restera que quelques souvenirs. Il faut faire preuve d’abnégation et l’accepter.
Pour revenir à ta question, je pose un cadre logique qui répond au cahier des charges signé et je définis comment les choses doivent se présenter. Mes consignes sont nuancées en fonction des retours de mes collaborateurs qui connaissent leur boulot. Ils m’exposent leur point de vue, on trouve un compromis, on procède à des arrangements et on voit ce que cela donne. Parfois il m’arrive de proposer des trucs à côté de la plaque, je prends donc bien soin d’étudier leur avis pour corriger le tir. Les choses se font très naturellement, dans la bonne humeur et le respect.
SFU : As tu rencontré Pierre Christin et Jean-Claude Mézières ?
Laurent Rambour : non, pas encore. Mais malgré le temps déjà passé dessus, le projet ne fait que commencer et il reste du travail. Donc qui sait ? J’aimerais surtout leur remettre en mains propres leurs exemplaires, comme pour leur présenter leur petit-fils en quelque sorte. Mais je ne suis qu’un éditeur de jeux de rôle, et je m’estime très chanceux de travailler sur cette licence. Il ne faut pas en demander trop.
SFU : Ton jeu de rôle va-t-il leur été soumis ?
Laurent Rambour : Oui. Même s’ils m’accordent toute leur confiance sur le contenu textuel et ont validé le travail préparatoire, le produit sera très certainement passé au crible et c’est tant mieux pour les fans. Cela rendra légitime le travail réalisé.
SFU : Peux-tu nous dévoiler une surprise ou deux que tu as prévue pour Valérian (un scoop pour nos lecteurs de SFU) ?
Laurent Rambour : malheureusement non. Chaque proposition est étudiée depuis longtemps et il n’est pas possible de sortir des choses de sous le chapeau. Il est convenu de publier entre un et deux suppléments par an, donc qui sait ce que pourrait dévoiler le dernier palier ? Je dois aussi discuter avec mon imprimeur qui vient d’ouvrir une nouvelle usine dédiée aux jeux de société, qui sait ce qu’il pourrait ressortir de tout ceci ?
Je t’ai parlé d’un projet de version d’initiation en kiosques ou librairies qui serait à l’étude ? Non ? Eh bien, n’en parlons pas alors.
SFU : Quelle est la date de livraison prévue pour le JdR ?
Laurent Rambour : novembre 2019, au plus tard décembre. Il n’est contractuellement pas possible de dépasser cette date pour le set de base.
SFU : À qui conseilles-tu Valérian ?
Laurent Rambour : tout d’abord aux amoureux de la BD Valérian, cela me paraît évident, ensuite à celles et ceux qui cherchent un jeu de SF plus simple, moins guerrier, plus positif, plus merveilleux, plus proche des problématiques humaines. Techniquement, le jeu s’adresse aux joueurs qui n’aiment pas les usines à gaz et souhaitent s’amuser dans l’univers de Valérian. Le système n’est pas conçu pour jouer à autre chose.
SFU : As-tu le temps de jouer aux JdR ? Si oui auxquels ? Es-tu plutôt MJ ou joueur ? Testes-tu personnellement ceux que tu édites ? As-tu différentes tables de jeu ou souvent la même ?
Laurent Rambour : Oui, je joue toujours et heureusement, même si c’est beaucoup moins souvent pour le plaisir que pour « le boulot ». Je suis presque toujours MJ, je m’amuse plus ainsi qu’en étant joueur. Je trouve qu’il y a plus de challenge. En 35 ans de pratique, j’ai joué à beaucoup de jeux, et mis à part les règles ou les façons de jouer, on reste quand même globalement dans les mêmes recettes thématiques. J’aime bien les jeux originaux, pour expérimenter de nouvelles voies, et ne je joue quasiment plus aux grands classiques. Récemment j’ai pledgé sur L’Empire des Cerisiers et la nouvelle édition de Maléfices (pour le coup le second est plutôt un classique, mais j’ai été très séduit par l’offre de mon confrère éditeur). J’ai précommandé The Witcher (je suis gamer presque autant que rôliste) et mon coup de cœur 2018 est de loin Tales from the loop. Tiens, en rédigeant cette liste, je m’aperçois que je n’ai fait travailler que Arkane Asylum Publishing… Non, je suis un menteur : j’ai aussi bien aimé The Sprawl, même si j’ai un mal de chien avec l’apparente rigidité narrative du système PBTA. Il faudrait que je trouve une table à intégrer pour bien me rendre compte.
Oui, je teste les jeux que j’édite, je ne vois pas bien comment je pourrais me faire un avis autrement. En fait je n’édite que des jeux que j’aime, je me vois mal travailler des mois et des mois sur un projet qui ne me parle pas, d’autant qu’il s’agit essentiellement de créations originales. Bien sûr, j’ai mes préférences dans ce que j’édite, mais je m’efforce de varier les plaisirs entre les thèmes et les niveaux de complexité. Cela me permet de renouveler mon job et de toucher un plus vaste public. Je ne veux pas m’enfermer dans un genre, je veux toujours pouvoir être libre de faire ce qu’il me plaît et apprendre quelque chose d’un projet, expérimenter de nouvelles sensations. J’ai aussi mes coups de nostalgie « so 80’s », comme Feng Shui 2nd Edition, mais il est tellement WTF !
Concernant les tables, je joue en famille (Dimitri, mon fils aîné, organisait régulièrement les démonstrations et initiations de JDR dans le magasin de mon épouse durant quatre ans). Je joue avec des amis ou ceux de mon fils aîné (selon les disponibilités de chacun), sans vraiment avoir de groupe régulier. Enfin, plus rarement, en convention (je me déplace rarement). Pour les retours des jeux, je préfère tout déléguer à d’autres joueurs, afin d’avoir les retours les plus objectifs possibles.
SFU : Travailles-tu sur d'autres projets (des scoops pour SFU) ?
LR: Oui, mais je souhaite surtout boucler et faire vivre les gammes en cours. On se projette donc sur du 2020/2021 au mieux. J’ai la traduction de Over The Edge 3 (Conspirations pour la 1re VF par Halloween Concept). Un jeu de fantastique occulte complètement barré, très influencé par l’écrivain controversé William Burroughs, ma muse. Je souhaite en faire une belle gamme VF. Il y a aussi la troisième édition de Devâstra Réincarnation, un jeu de fantasy shonen hindouiste : les textes sont bouclés et on devrait logiquement étudier la charte graphique cet été avant de vérifier s’il trouve sa clientèle en financement participatif.
Par la suite, j’ai dans les cartons une version heroic-fantasy de Kabbale, gamme que je souhaite développer si cela fait sens avec les attentes de ma clientèle, mais en ce qui concerne le jeu de rôle, les cinq prochaines années sont surtout occupées par Valérian et l’exportation du catalogue : je vais signer pour la version espagnole de Wulin et ensuite celle de Kabbale. Valérian a déjà plusieurs propositions, en plusieurs langues, mais je délègue les discussions à Dargaud et je ne peux rien dire de plus.
J’aimerais aussi expérimenter l’édition de jeux de plateau et de cartes. D’ailleurs, un jeu de cartes ONE% par Steve Goffaux se finalise doucement (il reste les illustrations à boucler). Qui sait ce que je pourrai développer ensuite sur d’autres licences ? Mais pour l’instant, la vérité si je mens, je n’en sais rien…
Officiellement, pas de gros scoop donc, mais pour être parfaitement honnête avec toi, je crois que ça aurait de l’allure si je pouvais « devenir calife à la place du calife »… 😉
SFU: Merci Laurent pour cette sympathique interview et bonne route à Valérian et ses joueuses/joueurs spatio-temporels. Le financement participatif chez Ulule, en cours jusqu'au 05 avril avec un ticket d'entrée à 39€, est par là : https://fr.ulule.com/valerian-le-jeu-de-role !
Publié le mardi 19 mars 2019 à 14h00
Source : Nurthor Le Noir
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