Entretien avec Laurent Devernay
Découvrez le jeu de rôle City Hall
City Hall, c'est à la base une BD. Désormais, ce sera également un jeu de rôle ! Conçu par Laurent Devernay, celui est paru aujourd'hui chez les éditions Ankama (également éditeurs de la BD).
Pour rappel, Laurent Devernay écrit des jeux de rôle depuis plus de dix ans et s'est petit à petit imposé comme l'un des auteurs français les plus prolifiques : « Je citerai Brain Soda (pour premier amour) et d’autres plus récents comme Devâstra, La Brigade Chimérique, Hexagon Universe, Z-corps, L'aventure perdue d'Arsène Lupin et Museum (qui vient de ressortir). Du côté de ceux qui doivent sortir bientôt, j’ajouterai City Hall et Sweepers Inc - les Éboueurs de l’Espace. Sans compter ceux qui n’ont pas encore été annoncés, évidemment. Je contribue régulièrement à Di6dent et Casus belli (quand j’ai le temps, surtout) ».
Contacté par la rédaction, Laurent Devernay a accepté de répondre à quelques questions pour nous présenter son nouveau projet.
SFU : Pour toutes celles qui ne connaîtraient pas, qu'est-ce que City Hall à la base ?
Laurent Devernay : City Hall est ce qu'on appelle un global manga et plus précisément un manga réalisé par des français : Rémi Guerin au scénario, Guillaume Lapeyre au dessin. L'action se situe dans un monde où le papier a été banni car l'écriture permettait de donner vie aux êtres décrits sur du papier. En 1902, à Londres, un criminel du nom de Black Fowl fait parler de lui en utilisant des monstres créés grâce à du papier. Afin de le contrecarrer, le maire de Londres fait appel à Jules Verne et Arthur Conan Doyle. L'ambiance est donc résolument steampunk avec une réinvention de toute la technologie afin de compenser l'absence de papier (remplacé par exemple par des SteamPads).
SFU : Qu’est ce que le jeu propose de jouer ? Comment est-ce que cela s’inscrit par rapport à l’histoire de la BD ?
Laurent Devernay : Le jeu propose d'incarner des agents Nostromo, au service de la Reine pour traquer les écrivains. Il se place au début des années 1850, soit cinquante ans avant la BD. Ainsi, il m'a été possible de puiser dans la bande-dessinée tout en créant mes propres histoires. Les liens entre les deux médias sont nombreux et permettent de former un tout cohérent, faisant en quelque sorte du jeu une description des origines de la BD. La vocation du jeu, de ce point de vue, est également de décrire en détail cet univers et de révéler certains de ses secrets encore inconnus des lecteurs. Vous vous demandez comment s'est déroulée la Grande Guerre ? Vous souhaitez en savoir plus sur les papercuts ? Vous trouverez vos réponse dans le jeu.
« Plus que le jeu vidéo, le jeu de rôle est un moyen de s'approprier ces œuvres simplement et de les adapter à sa sauce. C'est en quelque sorte l'outil ultime pour les grands enfants que sont les rôlistes : le moyen de raconter des histoires en puisant dans tout ce qui nous plaît. »
SFU : Cette adaptation en jeu de City Hall est-elle un projet personnel ou une commande de l'éditeur ?
Laurent Devernay : City Hall est un projet perso. Je suis tombé amoureux de la BD en la lisant. Vu que je n'en étais pas à mon premier essai d'adaptation en jeu de rôle (pour avoir participé à celles de La Brigade Chimérique, de Space Adventure Cobra, de L'aventure perdue d'Arsène Lupin et de l'univers Hexagon Universe, par exemple), j'ai directement contacté les auteurs de la BD qui ont servi d'intermédiaire avec Ankama. J'ai eu la chance d'avoir une interlocutrice (Céline Antoine) qui, en plus d'être rôliste, connaissait bien mon travail. Voir son jeu de rôle édité par Ankama, c'est assez énorme.
SFU : Comment adapte t-on une œuvre en jeu de rôle ?
Laurent Devernay : Adapter une œuvre en jeu de rôle nécessite évidemment de connaître l'œuvre en question sur le bout des doigts et d'avoir de la dispo de la part des créateurs de celle-ci. Partant de là, il est crucial d'estimer les libertés que l'on peut prendre par rapport à celle-ci. Mais ça reste avant tout de la création de jeu de rôle. Il est donc vital de capter très rapidement le bon angle d'approche (ce qu'on joue, dans quel type d'ambiance, etc). Une fois qu'on a tout ça, ce n'est que du bonheur. En sachant aussi que j'ai eu la chance à chaque fois que les créateurs de l'œuvre de base soient globalement très conciliants et ouverts. Je suis revenu plus en détail sur l'adaptation en jeu de rôle dans les réponses à un questionnaire pour une thèse (ICI). Pour la conception de City Hall, j'ai également publié une série d'articles, toujours sur mon site (ICI, LA et LA).
SFU : Comment as-tu travaillé avec les créateurs de la BD ? Ont-ils été très impliqués ?
Laurent Devernay : Oui, ils ont été très impliqués. Dès le départ, ils ont été très motivés et ont fait office d'intermédiaires avec Ankama. Par la suite, Rémi [Guerin] et Guillaume [Lapeyre] ont répondu à toutes mes questions et validé les nouveaux éléments et réponses que j'apporte dans le jeu. Ils ont même pu le tester ! Guillaume a d'ailleurs réalisés des dizaines d'illustrations inédites spécialement pour le jeu. Autant dire que c'était pour moi un grand plaisir de travailler avec eux, surtout en étant aussi fan de leur boulot.
SFU : Quel a été la ligne directrice de ton travail ?
Laurent Devernay : En conséquence de la question précédente, la ligne directrice de mon travail tient en deux mots : fidélité et accessibilité. Pour ce qui est de l'accessibilité, il s'agissait de proposer un jeu qui soit utilisable à la fois pour ceux qui n'auraient pas lu le manga et pour ceux qui ne connaîtraient pas le jeu de rôle. Les règles se veulent donc simples et le premier livre prévu pour un apprentissage facile du système. Ceci passe notamment par un scénario d'introduction faisant office de tutoriel. Proposé dès le début de l'ouvrage, il est assorti de prétirés et d'une explication des règles au fur et à mesure de l'aventure. Il suffit donc de lire l'introduction du livre et ce scénario pour pouvoir faire jouer, même sans avoir jamais pratiqué le jeu de rôle.
SFU : Avec Ankama comme éditeur, a t-on une chance de voir le jeu débarquer dans les librairies généralistes ?
Laurent Devernay : Absolument. En plus des boutiques proposant du jeu de rôle, le jeu est accessible à toutes les librairies plus traditionnelles. Nombreuses sont celles qui ont déjà franchi le pas, pour les autres, il suffit à ceux qui seraient intéressés d'en faire la demande. Ce n'est pas souvent qu'on voit du jeu de rôle dans les librairies généralistes et les adaptations de BD sont depuis quelques années l'occasion de franchir ce pas. Dans tous les cas, ça me fait sacrément plaisir et pas seulement à titre personnel.
SFU : En cas de succès, un suivi est-il prévu ?
Laurent Devernay : Les enjeux sont même plus élevés que ça! En cas de succès, le suivi pour City Hall deviendra effectivement possible mais l'adaptation d'autres ouvrages publiés par Ankama sera également envisageable.
SFU : On vit aujourd’hui dans une époque où l’adaptation devient l’un des principaux viviers de création. Dans le jeu de rôle, la tendance s’affirme également de plus en plus ces derniers temps. Quelle est ton impression vis à vis de cet tendance ?
Laurent Devernay : Pour moi, ce n'est absolument pas un phénomène temporaire en ce qui concerne le jeu de rôle. Les adaptations en jeu de rôle existent depuis maintenant très longtemps et elles continueront à exister. Le Seigneur des Anneaux, Star Wars et Cthulhu (pour ne citer qu'eux) ont déjà fait leurs preuves depuis un bon moment déjà et certains sont même devenus des pierres angulaires du jeu de rôle en plus d'être d'excellents outils d'initiation. Finalement, c'est une démarche tout à fait logique étant donné que l'adaptation est une base implicite du jeu de rôle. On retrouve cela dans les scénarios adaptés d'une autre œuvre ou d'un personnage récupéré ailleurs voire dans la simple volonté de jouer ou faire jouer dans un univers déjà existant. Plus que le jeu vidéo, le jeu de rôle est un moyen de s'approprier ces œuvres simplement et de les adapter à sa sauce. C'est en quelque sorte l'outil ultime pour les grands enfants que sont les rôlistes : le moyen de raconter des histoires en puisant dans tout ce qui nous plaît. En français, on remarque qu'il y a une nette préférence pour l'adaptation des BD, surtout depuis quelques années (Lanfeust, Métabarons, Cobra, La Brigade Chimérique, Hexagon Universe, Les Quatre de Baker Street et maintenant City Hall... sans compter ceux que j'oublie probablement). C'est une occasion idéale de tenter les fans d'un support ou de l'autre pour qu'ils franchissent le pas et pour offrir les moyens d'étendre un univers donné.
La fiche SFU de City Hall
Le blog de Laurent Devernay
Le site officiel d'Ankama
Publié le vendredi 12 septembre 2014 à 09h00
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