PIFFF 2013, Jour 5
Journée chargée
La journée débute avec la projection du nouveau film d'Hélène Cattet et de Bruno Forzani.en présence d'une partie de l'équipe du film (mais sans Hélène Cattet). L'Etrange Couleur des Larmes de ton Corps nous a sans surprise divisé :
Avis POUR de Jonathan C. : Sorti en 2010, l'expérimental Amer avait déjà radicalement divisé et décontenancé les spectateurs. Mais ça sera encore plus le cas avec L'Etrange Couleur des Larmes de ton Corps, l'effet de surprise en moins. En effet, tout en conservant le même style, la même atmosphère et les mêmes obsessions, remplaçant cependant le point de vue féminin d'Amer par un point de vue masculin (comme un autre versant d'un même cauchemar), ce deuxième film d'Hélène Cattet et de Bruno Forzani va encore plus loin dans les expériences narratives et esthétiques. Dans ce dédale cauchemardesque, un homme tente de retrouver sa femme disparue dans un immeuble dont les murs cachent des passages permettant de passer d'un appartement à l'autre et d'espionner les occupants (comme dans le génial Fou à tuer avec Klaus Kinski ou le mauvais La Locataire avec Hilary Swank).
Tel un film à sketchs, le récit principal contient plusieurs récits (celui de la vieille dame dont le mari a disparu, celui de l'inspecteur, celui de la femme du personnage principal, celui de l'homme dans les murs…), autant de courts métrages connectés les uns aux autres dans une structure labyrinthique qui, tout en étant presque anti-narrative, rend hommage à l'art du récit par les images (le film est en grande partie composé d'histoires racontées par des personnages), puisqu'il y a, comme dans Amer, très peu de dialogues ici (et quand il y en a ils sont totalement abscons). Seulement des murmures, des souffles, des cris, des bruits de respiration (la bande-son est d'une précision hallucinante). Le récit joue beaucoup sur l'effet de répétition afin de recréer une sensation de cauchemar, ce qui le rend en contrepartie parfois agaçant et rébarbatif (il semble d'ailleurs ne jamais en finir).
Habillé par l'Art Nouveau et par le fantôme d'Alfons Mucha (cf. la superbe affiche), L'Etrange Couleur des Larmes de ton Corps est un magma d'influences reprenant les obsessions, les fantasmes, les motifs récurrents, les figures de style, les couleurs saturées ou les jeux de miroir des films d'Alfred Hitchcock, Mario Bava, Dario Argento, Brian De Palma, sans oublier Le Voyeur de Michael Powell et le cinéma de Satoshi Kon (leur principale source d'inspiration, selon eux-mêmes), mais à la sauce Hélène Cattet / Bruno Forzani, qui composent là quelque chose de très original avec des références lourdes à porter. Le tandem fait d'ailleurs une superbe utilisation de morceaux (peu connus) d'Ennio Morricone, comme dans Amer. Comme ce dernier, L'Etrange Couleur des Larmes de ton Corps n'est pas qu'une simple relecture d'un genre, ni un vulgaire hommage clin d'œil, ni un pastiche, même s'il est aussi tout cela en même temps. C'est une œuvre très singulière et personnelle qui a son propre style, et quel style. En fin de compte, L'Etrange Couleur des Larmes de ton Corps, ésotérique et parfois hystérique mais raffiné et toujours élégant même dans sa folie, ne raconte pas grand-chose (disons plutôt qu'il ne s'y passe pas grand-chose mais que ce pas grand-chose en dit beaucoup) et on ne sait pas vraiment ou il mène, même dans sa conclusion. Ça reste un pur exercice de style, exécuté avec brio (c'est visuellement superbe, le traitement des couleurs est d'une précision absolue, et le travail sur le montage et le mixage est bluffant).
On retrouve ici les mêmes éléments typés giallo que dans Amer : visions cauchemardesques ou oniriques (se matérialisant ici en délires expressionnistes ou pop), outrances graphiques, séquences hitchcockiennes, hallucinations démentes, parfum de mystère oppressant, atmosphère proche du fantastique, érotisme macabre et tendu, thèmes du désir mortuaire, de la folie et du trouble identitaire, cadavres, ombres et fantômes, tueur masqué, élans de fétichisme, mutilations (l'inévitable rasoir) et strangulations, fulgurances saisissantes, bande-son entêtante, alternances entre ellipses brutales et étirement absolu de la durée, entre très gros plans et plans larges...Tout est là, exagéré car ultra-stylisé mais servant le(s) récit(s).
Tout en s'inscrivant dans le registre du cinéma bis, entre érotisme (très soft) et violence graphique (mutilations, meurtres corsés, SFX de David Scherer...) dans une histoire de tueur très psychanalytique, L'Etrange Couleur des Larmes de ton Corps est une expérience physique et « chimique », filmée en 35 mm et en Cinémascope. Un film inconfortable, agressif, éprouvant, énervant, qui malmène le spectateur quitte à le laisser sur le carreau et à provoquer sa colère. A rapprocher du fascinant Berberian Sound Studio de Peter Strickland. Sensoriel et instinctif, L'Etrange Couleur des Larmes de ton Corps contient de nombreuses interprétations, plusieurs dimensions, plusieurs niveaux de lecture. Encore faut-il que le spectateur ait envie d'explorer ce contenu.
Avis CONTRE de Richard B. : Je vais être honnête, si Amer m'avait séduit à l'époque par sa gestion du son et de l'image, le film souffrait pour moi d'une mauvaise narration et au final d'un scénario égoïste dédié à une élite de cinéphiles, refusant ainsi de communiquer avec le reste du public. Et pourtant, au regard de L'Etrange Couleur des Larmes de ton Corps, Amer apparaît finalement comme bien plus accessible et même plus rythmé.
Portant ce projet depuis plus de 10 ans, Hélène Cattet et Bruno Forzani, d'après leurs propres aveux, se sont investis dans cette histoire à tiroirs et affirment qu'il faut plusieurs visionnages pour comprendre pleinement leur film. Idée fortement très probable, d'autant plus que le récit est au départ une enquête explorant la disparition d'une femme, mais qui va se transformer par la suite en un trip sensoriel et visuel dont chaque cadrage semble étudié et travaillé, mais qui à force de se prendre au sérieux fini par prendre le spectateur de très haut et prend le risque de le laisser sur la route sans qu'il puisse trouver une branche à laquelle il puisse se raccrocher. Et s'il est peut-être vrai qu'il faille voir plusieurs fois le film pour mieux le comprendre, je serais tenté de dire que je n'ai personnellement pas envie de me replonger dans un film certes volontairement agressif (sur ce point c'est parfaitement réussi), mais aussi lent et répétitif, dégageant au final une désagréable prétention.
Alors oui, il serait être de très mauvaise foi de pas reconnaître que les deux réalisateurs possèdent un univers visuel intéressant et une réelle maitrise du son et de l'image, apportant une personnalité appréciable à leur film, mais après Amer on rêvait de voir ça dans une histoire plus ludique à l'instar des giallos servant de référence aux auteurs. On se retrouve en fin de compte dans quelque chose d'encore plus tordu, inaccessible, et on se demande bien quel est le plaisir que peuvent ressentir certains spectateurs à vouloir revoir le film, les producteurs à vendre un film réservé qu'à une petite « élite » puis les réalisateurs eux-mêmes (qui semblent pourtant épanouis et heureux) à se moquer d'un public qui serait inapte à comprendre leur création. Personnellement je prendrai toujours plus de plaisir à voir les giallos d'époque qui eux cherchaient avant tout à plaire à la masse populaire tout en choquant par leurs idées.
La traditionelle projection de la sélection courts métrages français s'est déroulé dans une bonne ambiance en présence des réalisateurs, et la pêche fut de très bonne qualité (aucun des 7 films n'est à jeter).
-Dieu reconnaitra les siens : Campagne française, 1975. Une famille se prépare à passer à table pour le dîner… Ils ne savent pas encore que la Grande Purge a débuté. Mon coup de cœur de cette cuvée 2013 des courts métrages. Joliment filmé et plutôt bien interprété, en glissant un hommage à La Nuit des morts-vivants en casant une réplique culte « Ils viennent te chercher Barbara ! » et un plan furtif du film de George A. Romero, Cédric Le Men a l'intelligence de rebondir sur les codes du genre en exploitant une inversion des rôles morts-vivants / humains, ce qui apporte une fraîcheur inattendue d'autant plus que le traitement lui-même va à l'encontre de la tendance actuelle (et passée) du genre. Aussi touchant que percutant tout en ne sombrant jamais dans la gratuité, c'est là tout une prouesse qui affirme un réalisateur à suivre de près. (Richard B.)
-Pandémie : Un ouvrier sidérurgique se fait licencier. Un matin, il découvre avec horreur qu'un bout de bois lui pousse dans le dos, comme une excroissance de son propre corps. Tout est dit dans le synopsis. Certes le budget de ce court apparaît à l'écran comme certainement moins élevé que pour les autres courts-métrages en compétition. L'image est donc bien moins belle et possède parfois un rendu trop télévisuel, mais le message social passe bien, le rythme est soutenu, et surtout les dernières images ne manquent pas de créer une réflexion et c'est peut-être là l'essentiel. (Richard B.)
-On/Off : Obsédé par un message vocal mystérieux, l’astronaute Meredith (la belle Carole Brana, inoubliable dans À l'aventure et Les Nuits rouges du bourreau de Jade) va devoir affronter sa condition paradoxale afin de rester connecté à son humanité. Avec ce court-métrage qu'on pourrait croire influencé par Gravity (l'apparition du panneau "No Gravity" pourrait presque sonner comme un clin d'oeil) mais qui a été réalisé bien avant la sortie du film d'Alfonso Cuarón, Thierry Lorenzi fait preuve d'une ambition incroyable qu'on ne peut qu'admirer. Techniquement maîtrisé de bout en bout, la dernière partie de ce court métrage nous amène à découvrir de superbes images qu'on aurait cru impossible dans le paysage cinématographique français. Les plans dans l'espace sont réellement impressionnants et très crédibles. Alors certes, le début, peut-être un poil trop froid, peine à installer une certaine émotion qui aurait permit au dénouement d'être encore plus fort, mais c'est bien le seul point qu'on trouve à critiquer, car pour le reste c'est un sans-faute pour Thierry Lorenzi mais aussi pour toute l'équipe qui l'a suivit dans cette mission périlleuse, car des couilles pour mener à bien ce projet il a dû en falloir, et en plus il est mené à bien avec réussite. Chapeau. (Richard B.)
-Jiminy (titre qui fait évidemment référence au Jiminy Cricket de Pinocchio) exploite un concept d’anticipation intéressant qui se base sur une expérience scientifique réelle réalisée en 2002 sur un rat : dans un futur proche, certains êtres humains peuvent se faire implanter un « criquet » dans le cerveau, soit une puce électronique qui leur donne en temps réel des conseils sur les meilleures décisions à prendre et qui leur permet de passer en mode automatique quand ils le souhaitent : elle prend alors le contrôle de leur corps et les dote de compétences physiques préprogrammées. Réparateur de criquets et lui-même accroc au sien, Nathanaël se trouve confronté à un cas de conscience le jour où des parents lui demandent de pirater le criquet de leur fils autiste...
Le pitch SF est très crédible à l’écran même avec un petit budget (quoique ce court métrage semble avoir bénéficié de moyens confortables, financé en partie via KissKissBankBank) et permet au réalisateur de développer, même dans un format court, une réflexion bien vue sur le libre-arbitre et sur la notion contrariante du choix, y compris dans la vie quotidienne. Jiminy évoque une technologie quotidienne qui assiste de plus en plus l’être humain, ce dernier devenant dépendant de cette technologie qui le transforme en robot. L'acteur principal est convaincant, et on retrouve Denis Lavant (l’acteur fétiche de Leos Carax) dans un rôle de désaxé qui lui sied parfaitement. C’est filmé avec un solide sens esthétique et une réelle intelligence par le prometteur Arthur Môlard. Adapté en long métrage, ça pourrait donner un très bon film de science-fiction. (Jonathan C.)
-Je ne suis pas Samuel Krohm : Commercial agricole venu vendre ses produits dans un petit bled en pleine campagne, Patrick Decuir est pris au piège par les dirigeants de la société pour laquelle il travaille et par les villageois, qui le prennent tous pour un certain docteur Samuel Krohm. Il parvient à s’échapper. En se cachant, il va découvrir qui est ce Docteur Krohm.
Fortement influencé par L'invasion des profanateurs de sépultures et par le cinéma de John Carpenter (surtout pour Le Village des damnés et L'Antre de la folie), mais aussi peut-être par Calvaire, Je ne suis pas Samuel Krohm adapte une nouvelle d’Howard Phillips Lovecraft, dont il illustre avec brio quelques monstruosités tentaculaires. Les effets spéciaux et maquillages sont d’ailleurs saisissants. Dans une atmosphère champêtre inquiétante, le suspense fonctionne efficacement, en dépit de quelques fautes de goût (une musique trop typée téléfilm). Le film évoque de façon métaphorique (HP Lovecraft est un support parfait pour ça) les effets néfastes des produits agricoles transgéniques, jusqu’à sa petite pique finale adressées aux agriculteurs récalcitrants. Sébastien Chantal est un jeune réalisateur à suivre. (Jonathan C.)
-Mecs/Meufs : Voilà le court métrage le plus drôle de la sélection. Dans Mecs/Meufs, un gentil loser frustré par l’inégalité des rapports de séduction entre hommes et femmes (en France, les femmes ne draguent pas et n’ont aucune difficulté à se taper des mecs, alors que pour certains mecs c’est une véritable épreuve que de séduire une femme) se retrouve propulsé dans un univers parallèle ou se sont les femmes qui draguent les hommes. D’abord enjoué par cette nouvelle perspective, notre brave type nommé Bob (joué par Robert Hospyan) va bientôt regretter d’être là.
Les dialogues sonnent justes (la tirade de Bob à ses copines au début du film : royal !), les acteurs aussi (ça sent le vécu), les situations sont très drôles, c’est bien vu, et c’est filmé avec style et élégance par un Liam Engle qui possède un vrai timing comique et un sens de la réplique qui tue, le tout sous influence John Hughes. A travers son argument SF absurde et son personnage principal de loser sympathique (beaucoup de spectateurs mâles auront de l'empathie pour lui), Mecs/Meufs en dit plus sur les relations hommes-femmes et les rapports de séduction que beaucoup de films de 90 minutes. Le rebondissement final achève de faire de Mecs/Meufs une excellente comédie. Voici le précédent film de Liam Engle, dans le même esprit et sur la même thématique : LOSE ACTUALLY, ainsi qu’un court métrage d’action délirant : MINIMUM OVERDRIVE (Jonathan C.)
-Rose or the Mute Liars : Malgré son récit en flashback, son atmosphère sombre et pesante, son indéniable sens esthétique (c’est réalisé avec soin), les effets spéciaux de l’indispensable David Scherer, et le monologue très (trop) écrit de l’actrice Diana Stewart (vue dans La Mome, Dans La Maison, Confession d'un enfant du siècle et 20 ans d’écart) face caméra, Rose or the Mute Liars peine à captiver et laisse une impression de frustration, comme un récit inachevé dont on aurait voulu en savoir plus. (Jonathan C.)
Le dernier film présenté en compétition fut Cheap Thrills, une (dés)agréable bonne surprise, après la projection festive d'un hilarant (mais très pertinent) court métrage canadien intitulé Mémorable Moi (l'histoire d'un pauvre type qui se met à faire n'importe quoi pour qu'on pense à lui par peur de disparaitre), réalisé par Jean-François Asselin.
Jusqu'où est-on prêt à aller pour gagner de l'argent ? C'est la question que se pose E.L. Katz, scénariste d'Adam Wingard qui réalise ici son premier long métrage, coécrit par le scénariste de Deadgirl (et de Toxic Avenger 4 !).
Alors qu'il vient de perdre son boulot et qu'il ne peut plus entretenir sa famille, Craig (excellent et impressionnant Pat Healy, déjà partenaire de Sara Paxton dans The Innkeepers) retrouve un vieil ami à lui, Vince (Ethan Embry, vu dans Motel, L'Oeil du Mal, Harold & Kumar chassent le burger, Prisonniers du temps, Empire Records, Lame de fond, Le Peuple des ténèbres, Comportements troublants et les séries Dragnet et Brotherhood). Tandis qu'ils picolent en souvenir du bon vieux temps, ils rencontrent un drôle de couple plein aux as, Colin (David Koechner, démentiel et loin de ses rôles de comiques) et Violet (Sara Paxton en bimbo éteinte mais perverse, bien éloignée de son rôle de sirène naïve dans Aquamarine), qui leur proposent, histoire de divertir madame pour son anniversaire, de faire n'importe quoi pour de l'argent. Mais seul un des deux amis peut gagner chaque défi, ce qui les transforme en rivaux.
Si l'on se doute ou tout cela va mener, on reste scotché devant l'écran en se demandant, justement, jusqu'où ils vont aller, au fil de séquences marrantes puis marquantes. Et ça va loin, jusqu'au dégueulasse vomitif (le combi doigt + chien + re-doigt est douloureux) et à la sauvagerie (ici justifiée, c'est pas juste pour le fun). Les « épreuves », d'abord bon enfant puis de plus en plus glauques, sont amenées de façon très crédible, tout comme la tension qui s'instaure entre les deux amis, qui finiront par inspirer de la pitié et par ressembler à des animaux. Le personnage de Craig finira dans un état lamentable à faire frissonner (le dernier plan est terrible), ayant dû choisir entre ses valeurs morales et un gros paquet d'argent. Les acteurs jouent cette sordide mascarade avec une réelle jubilation.
A la fois drôle et éprouvant (on rit jaune), loin de n'être qu'un Jackass-movie bête et méchant, Cheap Thrills dresse un constat d'une noirceur terrible sur la nature humaine, sur l'appât du gain, sur l'amitié et sur l'american way of life. Ça tape fort et ça vise juste, même si c'est pas forcément très subtile (on est dans la farce féroce et transgressive, la critique sociale cinglante). (Jonathan C.)
Pour finir, la nuit Stephen King (avec Creepshow, Simetierre et Christine dans des copies restaurées) fut inaugurée par l'avant-première du pas-attendu-mais-attendu-quand-même remake de Carrie au bal du diable, qui s'avère ne pas être si mauvais que ça en dépit des ricannements d'une partie du public.
S'attaquer à des films cultes est tout sauf une bonne idée. D'un côté, les fans du classique resteront de mauvaise foi et ne pourrons y voir des qualités, de l'autre, la première adaptation étant assez fidèle à quelques détails près au livre de Stephen King, de prime abord il n'y avait pas forcément de justification à faire une nouvelle retranscription visuelle, d'autant plus que nous avions déjà pu découvrir un téléfilm assez fade en 2002. Pour autant et à titre personnel, Carrie n'est pas le meilleur roman de Stephen King ni le meilleur film de Brian De Palma (dans un registre similaire du même réalisateur, je lui préfère Furie).
Côté scénario, peu de changement, le film de Kimberly Peirce suivant dans les grosses largeurs la même trame que son aîné. Nous découvrons donc une jeune fille de 16 ans qui vit ses premières règles sur le tard et devant ses camarades de classe. Sujette à moquerie, elle ne trouvera aucun réconfort auprès de sa mère, catholique radicale qui n'avait pas du tout préparé Carrie au concept de la menstruation. En même temps que Carrie essaie d'accepter sa mutation en femme et de faire face aux railleries, un pouvoir de télékinésie grandit en elle.
Pour être honnête, la première scène du film n'aide pas à mettre en confiance le spectateur puisqu'on y découvre une Julianne Moore donnant naissance seule à son enfant de manière assez ridicule et peu réaliste par rapport à un accouchement réel (quid du cordon ombilical ?) . Si Chloë Grace Moretz se montre assez nuancée dans son interprétation, son physique et son charisme naturel l'empêche d'être pleinement crédible dans les tourments que peut vivre le personnage de Carrie. Impossible d'imaginer que Chloé Grace Moretz ne soit pas invité comme cavalière à un bal d'école. Trop belle et bien foutue pour le rôle, là ou Sissy Spacek était parfaitement frêle et fragile. Pour continuer dans la lancée des divers problèmes que rencontre le film, on pourra citer une mise en scène solide, dévolu à être plus grand public, mais dénuée de toute approche artistique. Alors que dans le film de 1976 il est impossible de ne pas dire que le film est signé par Brian De Palma tant celui-ci impose du début à la fin sa personnalité, cette version 2013 n'en possède aucune, et n'importe qui avec un certain sens technique pour bien emballer un film aurait pu se mettre derrière le fauteuil de réalisateur. Cela apparaît bien dommage puisque dans le cas présent, la production avait orienté son choix vers une réalisatrice, et que sur ce postulat nous aurions pu espérer une vision plus féminine de l’œuvre de King. Dernier point regrettable : l'excès d'effets spéciaux, certes bien plus réalistes qu'en 76, mais au final peut-être moins percutants.
Mais à l'inverse de beaucoup qui cracheront sans vergogne, puis certainement trop facilement, sur le film de Kimberly Peirce, tout n'est pas à jeter, bien au contraire des petites choses sont intéressantes. Par exemple Julianne Moore apporte au final un jeu bien plus nuancé que Piper Laurie qui à l'époque ne m'avait pas convaincu et avait constitué pour moi un des problèmes du film original. Ensuite, utiliser le téléphone et internet comme nouveau média de persécution est plutôt habile et apporte quelque chose d'encore plus cruel aux diverses moqueries. Désormais Carrie se voit poursuivie par cette journée et se trouve non plus la risée de quelques camarades, mais bien de tous, la vidéo de son humiliation étant diffusée sur YouTube. Et sur ce point, on se dit qu'en effet un remake de Carrie pouvait bien avoir sa place, les techniques de cruauté infantile ayant bien évolué depuis les années 70, et que la technologie amène la personne à vivre son calvaire non pas durant une journée, mais dans un écho perpétuel. Il y a donc toute une partie assez brillante en terme d'adaptation et d'idée de modernisation de la part du scénariste Roberto Aguirre-Sacasa. Enfin, il faut reconnaître que pour toutes personnes qui ne connaissent pas les œuvres d'origine (d'autant plus que sur certains aspects le film de Brian De Palma a pris un sérieux coup de vieux), il est probable que cette version de Carrie trouve son public. Le fond est toujours aussi intéressant et n'a pas été trop aseptisé (on a vu bien pire en terme de remake), puis certains aspects de base devraient plus parler aux jeunes d'aujourd'hui. (Richard B.)
Publié le dimanche 24 novembre 2013 à 14h04
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