Soirée d'ouverture du PIFFF
Bienveillance et "Malveillance"

Pifff J1

Comme il se doit, l’ouverture de ce festival tout neuf du Paris International Fantastic Film Festival s’est effectuée dans les discours de remerciements et les nobles notes d’intention de la part du trio Gérard Cohen (le président du festival), Cyril Despontin (en délégué général) et Fausto Fasulo (directeur artistique et responsable de la programmation). Vinrent ensuite les quatre membres du jury, Christophe Gans (désormais parrain du PIFFF), Roger Avary, Lucile Hadzihalilovic (la réalisatrice de Innocence) et Jaume Balaguero, dont nous allons découvrir le nouveau film, évidemment projeté hors compétition.


Mais avant le film d’ouverture, deux surprises attendaient les spectateurs sur l’écran géant de la grande salle du Gaumont Opéra Capucines. Pour commencer, la projection d’un court métrage qui met immédiatement dans l’ambiance du festival : "Welcome to Oxford" de Julien Mokrani. Ce dernier se trouve être une adaptation de la bande dessinée américaine (en 2008 chez l'éditeur IDW Publishing) du très grand Ben templesmith, connu ici en France pour avoir signé des oeuvres telles que 30 jours de nuit ou encore Wormwood. Très impressionnant de par son aspect graphique  prononcé et quasi parfait, Julien Mokrani s'offre avec ce court une très belle carte de visite remplie de promesses pour le futur. Non pas que tout soit parfait, les plans larges paraissant par moment bien trop virtuel, mais l'atmosphère générale aidant et Jason Flemyng étant plutôt impressionnant on en vient fortement à espérer une même adaptation en long-métrage. Ce dernier étant rendu disponible sur le net, nous vous laissons apprécier la chose.




Ensuite, la projection totalement inédite du trailer de [REC.] 3, réalisé par Paco Plaza sans Balaguero. Ce troisième volet s’annonce aussi délirant voire plus que [REC.] 2, la bande-annonce étant plus drôle et fun que vraiment effrayante. Dommage cependant que la vision apocalyptique promise dans [REC.] 2 semble avoir été abandonnée, mais Paco Plaza réserve peut-être des surprises…

Enfin, le film d’ouverture du PIFFF, l’attendu Malveillance de Jaume Balaguero, présenté par lui-même.


Après s’être lâché sur [REC.] 2, rollercoaster horrifique fun, vidéoludique et très bis, Jaume Balaguero revient au thriller psychologique, se rapprochant ainsi plus de La Secte sans Nom tout en étant très différent (rien de surnaturel ici). Malveillance est surtout proche de A louer, d'ailleurs écrit par le même scénariste. Avec son histoire de concierge dépressif (Luis Tosar) qui, par jalousie du bonheur des autres et notamment de celui d’une jolie locataire (Marta Etura), s’immisce dans l’intimité de cette dernière, pénétrant dans son appartement pour épier sa victime endormie au chloroforme, faire comme chez lui puis poser des pièges dans le but sournois de la mettre de mauvaise humeur (un peu comme Amélie Poulain avec l’épicier dans le film de Jean-Pierre Jeunet, mais en plus trash), Malveillance peut rappeler le récent et beaucoup moins bon La Locataire avec Hilary Swank en locataire épiée par un proprio pervers, l’hallucinant Fou à tuer de David Schmoeller avec Klaus Kinski en propriétaire psychopathe ou encore le Jericho Mansions d'Alberto Sciamma avec James Caan en concierge pas net empêtré dans les emmerdes en plein film noir. Malveillance n’est pas non plus sans rappeler Shining (autre graduation en huit-clos dans la folie), auquel il semble adresser quelques clins d’œil (le décompte des jours, la baignoire de sang…). Mais au niveau de l’atmosphère paranoïaque et de la tension psychologique en huit-clos, c’est plutôt du coté de Roman Polanski que Balaguero se tourne. On y retrouve ce rythme lancinant, cette angoisse sourde, cette claustrophobie des intérieurs (par le biais d’une mise en scène très resserrée) et ce point de vue de la folie qui caractérisaient les films (surtout les premiers) du réalisateur franco-polonais.

Jaume Balaguero, qui décrit Malveillance comme un « jeu de perversités », maitrise toujours autant les terreurs (et leur propagation fourbe), qu’elles soient mentales (le réalisateur préfère adopter le point de vue d’un personnage troublant et torturé plutôt que celui d’un être sain trop propre sur lui) ou universelles (il exploite ici celle de l’intrusion d’un étranger au sein-même du foyer, brisant ainsi toutes notions de protection, de sécurité ou de bien-être du « chez soi »). Après les tueurs, les fantômes, les possédés et l'obscurité (dans tous ses films), le cinéaste renoue avec les terreurs nocturnes, revisitant ici celle du monstre caché sous le lit. Naviguant de nouveau entre ombre et lumière (l’éternel combat entre le Bien et le Mal est ici mental), le cinéaste espagnol est, comme son personnage, constamment sur le fil du rasoir, maniant avec style et sadisme les ruptures de ton. La tension progresse ainsi lentement mais sûrement au fil des jours (qui défilent à l’écran), chaque journée marquant un pas supplémentaire vers le sordide jusqu’au dénouement si glauque qu’il en devient quasi-grotesque, loin du climax traumatisant de La Secte sans Nom. Le réalisateur confirme son goût pour les dénouements sans échappatoire. Entre tension extrême (mention à la séquence au petit matin) et humour léger ou très noir (il n’est pas interdit de rire jaune), Malveillance est un thriller implacable et nerveux, pas vraiment original ni forcément très fin mais diablement efficace et hanté par la prestation du toujours impressionnant Luis Tosar (le baron de la drogue dans le Miami Vice de Michael Mann, le leader des insurgés dans Cellule 211, le producteur de Même la pluie…) dans un rôle effrayant et pourtant d’une profonde tristesse, ou comment la quête du bonheur mène aux crimes.

Luis Tosar dans Malveillance

 

Article de Jonathan C. et Richard B.

Auteur : Jonathan C.
Publié le jeudi 24 novembre 2011 à 08h38

Diaporama photo : Malveillance [2011]

Fiches de l'encyclopédie de la science-fiction en rapport avec l'article

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